La première série française d'AppleTV+ a débarqué cet hiver sans parvenir à se donner les moyens de ses ambitions. Liaison est une grande déception.
Cette première production française (qui est en fait franco-britannique) de la plateforme faisait sérieusement envie : pour son casting porté par ses stars Eva Green et Vincent Cassel, pour son histoire sur fond d'espionnage et de complot et par les moyens mis en œuvre. Tout était réuni pour en faire une bonne série. Sauf que (presque) rien ne fonctionne.
La faute en grande partie à son scénario complètement disparate. Liaison souffre en effet des multiples trames (secondaires et tertiaires) qu'elle aborde. Il y en a beaucoup trop : l'histoire d'amour entre les deux personnages, leur passé trouble, les cyberattaques, les hackers syriens et le fil de leur histoire, les magouilles de l'état britannique, les magouilles de l'état français, leur service secret, la Commission européenne... Les trames ne sont pas toutes justifiées et éparpillent le récit.
Pourtant, le point de départ de la série semble beaucoup plus alléchant : Deux anciens amants sont contraints de travailler ensemble après une brouille survenue des années auparavant. Ils devront mettre leurs divergences de côté pour tenter d'empêcher une série d'attentats sur le sol européen. Malheureusement, Liaison ne parvient pas à maintenir le cap, et les acteurs ne peuvent pas grand chose pour sauver ce naufrage.
Ce n'est pas étonnant, le duo Eva Green/ Vincent Cassel est l'atout principal (et probablement le seul intérêt) de Liaison... à défaut d'en avoir d'autres. Ainsi, leur réunion attendue à l'écran est repoussée le plus possible jusqu'à la fin du premier épisode, tel un climax.
Pendant ce temps, les enjeux sont exposés au niveau géopolitique de chaque côté de la Manche. Mais le plus futile se fait chez les personnages centraux. On tente de nous montrer un semblant de vie personnelle et bien rangée chez Alison Rowdy (Eva Green), conseillère britannique et ancien amour de Gabriel Delage (Vincent Cassel), l'agent français. Elle semble mener une vie épanouie avec son compagnon et sa belle-fille qui n'ont aucune autre utilité que de jouer le rôle d'entraves à cet amour passé qui refait surface. Leur présence est inutile et ne fait jamais questionner les sentiments de la Britannique pour l'agent français.
Par exemple, lorsque les ex-amants collaborent enfin, toute cette attente tombe à l'eau. Ils ont l'air de se détester (c'est sans doute leur amour refoulé !), ne partagent pas les mêmes méthodes de travail, préfèrent privilégier leur pays respectif et leurs propres intérêts. Sur l'échelle du combat avec ses propres émotions, on repassera car on est plutôt en-dessous du zéro degré Celsius. Rien ne laisse suggérer qu'ils luttent contre leurs sentiments intérieurs pour ne pas entraver leur enquête.
Pour une série qui se veut "complexe", les scénaristes se sont dits que ce serait bien qu'il y ait une sous-intrigue censée servir la principale, puis une autre et encore une autre afin de lier naturellement le destin de tous les personnages. Sauf que cela est fait grossièrement.
On se retrouve donc dans une histoire de cyberattaques avec de gentils hackers du Moyen-Orient qui s'opposent aux méchantes corporations européennes. Pourquoi ? Comme ça, on peut faire voir du pays au spectateur et justifier le budget de la série : la France à Paris et Dunkerque, l'Angleterre à Londres, la Commission européenne à Bruxelles et la frontière turco-syrienne en un éclair. Encore une fois, c'est beaucoup trop éparpillé.
Pourquoi ne pas s'être contenté d'une trame toute simple (comme tant d'autres fictions) où ce sont finalement les personnages qui font le charme de la série (comme pas mal d'autres aussi) ? Par exemple, des vagues de cyberattaques sévissent subitement à Londres. Le pays est en alerte, les autorités sur le qui-vive. Tout laisse à penser que bientôt, ce pourrait être au tour de Paris avant le reste de l'Europe. Un hackeur franco-britannique (*une bonne façon de justifier cette co-production*), membre dissident d'un groupuscule terroriste informatique, pourrait avoir les plans des prochaines attaques. Mais sa vie est menacée par le cerveau du groupe. Il tente alors de trouver refuge chez l'un de ses deux pays, la France ou l'Angleterre, qui chacun a une revanche à prendre sur le hackeur... #mystere".
Liaison nous traîne d'un bout à l'autre, d'un personnage à un autre sans que l'on sache réellement pourquoi. Pire, à la fin on ne sait toujours pas quelles étaient les motivations des coupables ! Le récit n'évite pas non plus les étapes obligatoires de l'espionnage : des méchants très méchants, des personnages manipulés et la sempiternelle taupe infiltrée...
Ce manque criant de personnalité pâtit à l'interprétation. On a une Eva Green qui d'abord n'est pas au mieux de sa forme et qui tire la moue dans les trois premiers épisodes, avant de retrouver des couleurs dans les trois derniers. Peter Mullan nous sort un personnage caricatural au possible et sans nuance. Idem pour le personnage français qui organise l'opération. À l'inverse, Vincent Cassel est impeccable et fait montre de son charisme dans toute la série. Son alchimie avec Eva Green fonctionne bien.
Rien n'est (sur)prenant dans Liaison. La série pense balader le spectateur en multipliant les trames mais son récit est prévisible et atone. Ce n'est pas les quelques sentiments qu'il faut regarder avec une loupe qui donnent un quelconque attachement aux personnages. Ou à leur quête. Ni même les pauvres scènes d'action.
Liaison n'a pas de regard à porter sur le sujet qu'elle aborde ni ses personnages. Seuls les décors, les effets spéciaux et nos deux têtes d'affiche font montre de qualité. Mais ce n'est pas assez pour pallier un scénario foutraque qui manque de rigueur. Liaison fait office de gros pétard mouillé et n'arrive pas à la cheville des autres productions AppleTV+. Un beau gâchis.