"Caïd" est une mini-série française au format assez inhabituel, soit dix épisodes d'environ dix minutes, qui suit le séjour d'un réalisateur et de son caméraman venus tourner un clip de rap dans une cité du sud de la France. Mais entre règlements de compte et trafic de drogue, ça part vite en vrille. Les deux créateurs de la série, Ange Basterga et Nicolas Lopez, s'essayent au thriller social à la sauce found footage et alimentent une tension constante entre deux gangs ennemis.
Filmé en caméra subjective donc, immergeant le spectateur au coeur de l'action, "Caïd" va droit au but et ne perd pas son temps à bavarder ou à construite une intrigue trop touffue. Caméra à l'épaule ou GoPros portées sur la poitrine, la mise en scène nous plonge malgré nous dans une chasse à l'homme musclée et haletante, nous rappelant certains films d'horreur, que ce soit par ses mouvements intempestifs, ses effets de style ou ses cadres atypiques. Le premier épisode, très nerveux, a du mal à se contenir et implose rapidement, à la manière d'un coup de poing décisif. La suite, bien que fournie en cliffhangers, se veut plus simple et prévisible. On abandonne petit à petit l'insolite presque effrayant du début, pour aller vers un scénario plus convenu, rempli de clichés et de types détraqués. Peut-être est-ce du aux tempéraments plus calme et serein des deux personnages témoins ? Au final, "Caïd" se repose davantage sur son réalisme que sur son côté hors-normes. Alors qu'on a l'impression du contraire dans son démarrage, la série ne franchit aucune limites dingues. Reste la forme, efficace et immersive, qui permet de rester focus dans l'action. La série se regarde toute seule, et les épisodes sont si courts qu'on arrive très vite à la fin.
Les deux personnages principaux sont bien tenus, à la fois observateurs et victimes. Sébastien Houbani campe très bien le mec suiveur, à la limite du syndrome de Stockholm. Face à lui, en chef de gang, on a Abdraman Diakité, convaincant si on fait abstraction de quelques dialogues bien clichés. J'ai apprécié la quête de rédemption de son personnage. Et en cela, j'ai trouvé dommage que la série soit aussi expéditive. On regrette aussi que les seconds rôles soient tous aussi monochromes et globalement hystériques. L'amateurisme de certains se fait sentir à des moments mais ça n'empiète pas sur l'ensemble de la série, heureusement.
Je ne suis pas certain que la série fasse honneur aux habitants des cités, directement impliqués dans des trafics ou à une atmosphère similaire. Qu'est-ce que ça raconte d'autre ? Qu'est-ce que ça raconte de plus ? Pas grand chose. Le monde du rap est relié à l'animosité des cités, et ce, sans nuances ni originalités. Je trouve qu'ils n'explorent même pas assez le dispositif du found footage : à savoir plus d'inventivité dans les poursuites, plus de jeux anxiogène avec la caméra, plus de points de vue... Les scènes d'action, par contre, sont classes et rappellent les jeux vidéos !
Est-ce par manque de moyens ou par effets de contraintes que "Caïd" nous laisse sur notre faim ? Le final, beaucoup moins trépident qu'espéré, n'est pas à la hauteur de nos attentes et se révèle très fade par rapport à ce qui précède. C'est dommage, pour une fois que ça se démarquait un peu des autres productions françaises...