https://leschroniquesdecliffhanger.com/2023/06/01/la-femme-qui-habitait-en-face-de-la-fille-a-la-fenetre-critique-mini-serie-une-ecriture-ciselee-permettant-une-creativite-de-chaque-instant/
Dès les premières minutes, l’installation de l’intrigue et des personnages est redoutable et incisive. Il y a les névroses exacerbées d’Anna avec ses verres de vins qui ne s’arrêtent jamais, on veut les mêmes… Car avec un seul de ses verres, vous videz la bouteille, qu’Anna siffle à une vitesse intersidérale assez sidérante et toujours dans une dignité totale. Est présente dans la série une dramaturgie quasi hitchcockienne des terreurs d’Anna, teintée d’un humour d’une délicieuse férocité et à peu près tout le temps absurde qui contrebalance sans arrêt avec des objets plus dramatiques de la vie d’Anna, qui nous fait passer par une farandole d’émotions en un temps pourtant très restreint… Très vite, après quelques minutes seulement, on se dit qu’on va jouer… On pense aussi aisément que si ce rythme effréné tient à l’épreuve de la durée, et que la série arrive à tenir un récit narratif qui monte en puissance comme il se doit, avec cerise sur le gâteau, ou gruyère sur le gratin au poulet, un format possiblement haletant de 28 minutes par épisode, alors le piège de l’addiction et du binge watching va se refermer délicieusement sur nous.
La mécanique en est la parodie absolue de tous les classiques du genre, façon thrillers clinquants et de la montagne vertigineuse de clichés qui vont avec. Le titre évidemment nous fait entrer en Absurdie, mais le meilleur étendard de cet usage déraisonné de la dérision réside dans ce que l’on comprend progressivement du déroulé du trauma lui-même. Car quand même… Qu’est-ce qu’on rit… mais qu’est ce qu’on rit… avec entre autres ce réparateur de boîte aux lettres qui n’en finit jamais, de ces cocottes à gratins qui se cassent à un rythme frénétique… Une humeur générale qui n’est pas sans rappeler les running-gags lunaires des Nuls, de la bande à Fifi devenue grande, ou même de Parker Lewis pour les lecteurs plus âgés…
Sans parler d’une photographie soignée et harmonieuse, sorte de ripolinage à la Desperate Housewives, avec cette angoisse latente en sus… Et avec une omniprésence à l’image de Kristen Bell, à toutes les scènes de tous les épisodes, avec tous les types de plans imaginables, qui créée une sensation d’excès, mais surtout d’attachement certain à Anna. Presque une addiction de plus dans l’addiction… Justement… Kristen Bell… Quel numéro… Elle est à toutes les sauces, complètement obsessionnelle, à en devenir elle-même un objet obsédant… Elle nous fait peur… puis rire… puis peur à nouveau… Elle caméléonise à souhait une palette impressionnante d’émotions, semble même en inventer parfois et c’est comme une incommensurable extase de déambuler avec elle dans d’interminables méandres émotionnels. Il serait d’une rare facilité et d’une haute médiocrité d’affirmer que dans ce rôle déjantée, Kristen Bell est à la… good place… Jubilons avec elle et faisons finalement nôtre la philosophie carpe diemesque d’Anna, façon Walt Whitman sous acide… : « Il faut profiter de la vie… et des gratins au poulet » …