"La galaxie n''est pas tendre avec des femmes comme nous."
Malgré quelques petites incohérences scénaristiques par ci par là, je dois reconnaître que le défi proposé par Leslye Headland, créatrice, coréalisatrice, coscénariste et coproductrice de The Acolyte, était de taille : réveiller une licence fatiguée à force de séries répétitives et vides (si on excepte Andor et la première saison du Mandalorian) en osant décaler de près d'un siècle l'univers Star Wars.
Pari réussi pourtant, dans le ton, l'énergie et la fluidité d'un récit qui ne s'embarrasse pas de longueurs inutiles ou de péripéties sans intérêt mais s'enrichit de scènes de bataille innovantes, faisant la part belle aux chorégraphies et délaissant un peu le sabre (il y en a quand même, hein) et les blasters, un rien trop virilistes. Pour la continuité avec l'univers, on se basera essentiellement sur les gimmicks ("I have a bad feeling about this" vite chuchoté, "There is still good in her", les transition entre les scènes), et pas mal de lieux connus, la plupart des personnages du corpus démarrant à l'épisode I (La menace Fantôme) n'étant pas encore né·es à l'époque... ou presque.
Avec une distribution internationale et diversifiée, la série se raccroche aux derniers élans inclusifs des productions précédentes, ce qui renforce l'unité de ton de l'univers et devrait déplaire aux rageux·ses, plaignons-les. En outre, si ce sont bel et bien deux femmes qui sont les vedettes de The Acolyte, les individus masculins sont toujours bien présents (un peu trop à mon goût), ce qui témoigne d'une volonté d'équilibre. Je regrette personnellement que les espèces non-humanoïdes ne soient cependant pas plus représentées, à l'exception notable et incontournable d'un wookie, d'un droïde discret façon couteau suisse et d'un rongeur pisteur poile et mignon, grands classiques là encore. Je salue enfin la double prestation d'Amandla Stenberg, franchement convaincante. Je vous conseille par ailleurs, et comme toujours, de regarder la série en VO pour goûter la diction malaisée de Lee Jung-jae, qui apporte un plus indéniable à son personnage.
Les décors, à la fois nouveaux et pourtant familiers, sont d'une densité dans les détails absolument incroyable, à tel point qu'il faudrait revoir la série plusieurs fois pour en mesurer toute la richesse. Les musiques, elles, sont parfois à mille lieues des resucées de l'oeuvre de John Williams, elle-même largement inspirée de compositeurs plus anciens, et ça fait du bien ce coup de fraîcheur dans les oreilles.
Au niveau du scénario, j'ai été agréablement surpris par la finesse avec laquelle certaines scènes entre les protagonistes sont amenées
, notamment dans le sixième épisode, et à l'inversion des rôles et des sujétions
. Les épisodes flashbacks apportent un équilibre certain au rythme de la narration et permettent de recoller les morceaux de ce puzzle qui gagne en tension au fil de la progression, conçue en miroir. En outre, poursuivant la remise en question du dualisme manichéen des tous débuts de l'oeuvre d'ensemble, la réflexion pousse encore un peu plus loin la critique de la toute-puissance des jedis, amorcée dans la série The Clone Wars.
Au final, que ce soit dans les décors et la musique, les références immanquables à la licence et l'innovation, le scénario et ses questionnements nuancés, le rythme, la très sobre réalisation et même les interprétations, tout est question, dans cette dernière production des studios Lucasfilm, de balance, d'équilibre. Une sorte de mise en abyme du concept de la Force. Un défi réussi, disais-je, qui peut redonner des couleurs, de l'originalité et de l'intelligence à la licence.