Etant un grand fan du travail du groupe de réalisateurs les Parasites ainsi que très informé sur la question climatique, j’en attendais énormément de la série l’Effondrement, parue sur Canal+ en novembre 2019. En effet l’enjeu est de taille : comment populariser et vulgariser un événement aussi dangereux qu’incertain qu’est la chute imminente de nos sociétés ? Comment éveiller les esprits sur l’urgence de la situation ?
C’est à travers 8 courts épisodes dont l’intrigue se déroule au lendemain d’un « effondrement » (à noter que ce dernier n’est jamais décrit ni montré dans la série, le spectateur devant se contenter d’imaginer une suite d’évènements ayant mené rapidement à cette crise) que les réalisateurs ont répondu en images à ces questions, qui me taraudent depuis un bon bout de temps déjà. Chaque épisode se déroule dans un décor différent et avec des personnages drastiquement différents qui voient chacun leur destin rapidement bouleversé.
Un seul mot pour qualifier d’entrée de jeu la série : l’immersion. Je dois dire que je ne me suis jamais senti autant impliqué dans une expérience audiovisuelle. Les décors familiers (supermarché, station-service), les situations banales (réveil le matin, travail), les personnages attachants (le père de famille, le jeune étudiant, le cuisinier altruiste) … Tout est fait pour se dire « Ça pourrait être moi » « Qu’est-ce que je ferais dans cette situation ? » « Quand est-ce que cela va vraiment se produire ? » Evidemment le plan-séquence (continuité d’une seule prise de vue tout au long de l’épisode) magnifiquement bien mené, joue un rôle primordial pour que le spectateur puisse s’identifier à la situation. Il peut ainsi interactivement prendre lui-même part aux décisions et actions.
Tout s’enchaine très vite, les situations sont des plus stressantes, la violence est omniprésente, le spectateur est en permanence à l’affut d’une nouvelle péripétie et la chute est toujours le coup de grâce. Bref, l’Effondrement devient rapidement addictive et l’imagination du spectateur est largement sollicitée pour se placer lui-même dans sa propre situation catastrophique et en trouver les solutions.
Les épisodes sont classés par ordre chronologique d’un « après effondrement ». Cette organisation soulève diverses questions concernant la survie dans un monde chaotique, de personnes comme vous et moi, sans distinctions de castes ou de niveau hiérarchique, habitués à une société ultra-dépendante et sur-connectée.
Les premiers jours après la chute sont les plus durs : La loi du plus fort et l’instinct de survie prennent très rapidement le dessus sur l’autorité légitime (le policier qui exige un plein à la station-service mais qui se le voit refuser). Les personnages sont prêts à tout pour subvenir à leurs besoins primaires (se nourrir, se déplacer, se mettre à l’abri, protéger sa famille et se soigner) : abus d’autorité (le pompiste qui escroque les clients), vols (les jeunes au supermarché), mensonges (l’homme d’affaire qui abandonne ses proches) et agressions diverses voire meurtres (au hameau). Seuls ceux qui se sont préparés, chacun à leur manière en fonction de leur moyen, à une éventualité s’en sorte mieux que les autres : Que ce soit les jeunes qui font des prévisions au supermarché ou l’ultrariche qui a souscrit une assurance catastrophe. La série rappelle alors le spectateur à la réalité et le place bien souvent devant le constat « Si ça arrive vraiment, moi je suis dans la merde ».
Par la suite les survivants se mettent à s’organiser en micro-communautés, se donnant tâches, rôles et objectifs. Outre la nécessité urgente de trouver de la nourriture, thème développée dans la majorité des épisodes, de fortes questions sur la confiance (arrivée de nouveaux individus au hameau), l’entraide et l’organisation en général des sociétés se posent. Un futur durable est-il envisageable pour ces microcosmes ? Leadership (choix du chef pour l’opération de la centrale), sacrifice (abandon des personnes vulnérables dans la maison de retraite) et individualité sont les enjeux clés pour la réussite de la survie.
Le coup de génie réside dans le dernier épisode sur le plateau de télé : une fois la peur de cet effondrement et de ses nombreuses conséquences néfastes sur notre quotidien (allant de la terrible famine jusqu’à la perte de notre cher petit confort) bien ancré dans nos têtes, les réalisateurs ont fait le choix d’un retour en arrière. Celui-ci accentue la proximité de ce bouleversement. On ne sait pas encore quand ni comment, mais on sait qu’il arrive.
Voici venir alors un incroyable monologue en direct à la télévision sur le plateau d’une émission de pseudo analyse politique. Le but de son intervention improvisée est simple : prévenir. Prévenir que la réalité ne se tarde de rattraper la fiction. Prévenir que les politiques et les institutions ne changeront pas les choses. Prévenir que de la croissance infinie sur une planète aux ressources finies n’est qu’une illusion. Prévenir que l’effondrement aura lieu et qu’il faut s’y préparer sans attendre.