J'avais beaucoup aimé le livre, c'était donc avec une certaine excitation que je découvrais son adaptation télévisée ayant, au passage, changé de titre, plus racoleur. C'est d'ailleurs ce qu'on peut légèrement reprocher à l'œuvre : se donner une dimension populaire parfois forcée, presque contre-nature, sans doute ce que lui a reproché Pierre Lemaître, se désintéressant du projet avant sa diffusion. Le choix d'Eric Cantona en fait clairement partie : son implication est indéniable et sa prestation honorable : c'est juste qu'il ne correspond pas au rôle, ce que l'on ressent encore plus à travers des dialogues appuyés, peu subtils dans leur logique anti-libérale opposant chômeurs désespérés et patrons cyniques. L'écriture est de façon globale moins incisive, percutante, brillante que ne l'était le roman, conservant ses quelques défauts (net ralentissement au milieu), les changements n'apportant pas grand-chose, se montrant même moins cohérents (le dénouement), notamment dans le comportement de certains protagonistes ou leurs transpositions à l'écran
(je pense notamment à Fontana, génial méchant nettement plus « penaud » ici)
. La série peut toutefois compter sur un élément non négligeable : son scénario. Souvent excellent, parfois presque aussi palpitant que son modèle, « Dérapages » se révèle d'une très grande efficacité, que ce soit dans sa dynamique de narration, ses rebondissements ou sa dimension politique, sociale : c'est prenant, original, bien mis en valeur par une réalisation efficace, presque « métallique » dans sa photographie, où l'on reconnaît tout le savoir-faire de Zouad « Baron noir » Doueiri. Dommage, donc, que la deuxième moitié s'avère moins prenante, un peu plus proche du tout-venant télévisuel. Cela n'empêche pas le plaisir, ne m'étant jamais ennuyé durant ces quatre grosses heures, découvrir un livre aimé adapté correctement restant toujours un plaisir, à défaut de retrouver l'adrénaline ressentie lorsque je tournais les pages. Du bon boulot.