Quand on compare "OVNI(s)" aux récentes séries originales françaises qui s'amusent avec les genres (La Révolution, Marianne, Vampires, Osmosis...), il ne fait pas de doute qu'on a là une réussite réjouissante et osée, mêlant habilement comédie, science-fiction et enquête, et ce, sans se crasher en plein vol. Imaginée par les jeunes Quentin Douaire et Clémence Dargent, la série prend ses quartiers à la fin des années 70 et met en scène une joyeuse bande de scientifiques illuminés à la poursuite d'extraterrestres.
Didier, un ingénieur spatial à l'esprit cartésien a vu son projet de fusée réduit en miettes et se voit contraint de prendre la tête du GEPAN, le Groupe d'Études des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés. De mèche avec le directeur, il a pour mission de fermer ce service, jugé inutile et risible, en démontrant qu'il n'existe pas de vies dans l'espace. Mais ses trois nouveaux collègues, un trio pour le moins atypique, sont loin de partager cet avis...
Dès son démarrage, cette série rétro aux couleurs vives introduit une touche de fantastique qui intrigue. Mais on a tellement l'habitude d'être déçu face aux programmes made in France qu'on a du mal à se laisser totalement convaincre. On se dit que ce n'est qu'un leurre et que le scénario va retomber comme un soufflet. Mais très vite, ses personnages et son ambiance font la différence et nous embarquent dans une investigation entre rationnel et irrationnel, pragmatisme et ésotérisme. Le ton est absurde, décalé, sans jamais en faire trop. Une certaine poésie des possibles fait également irruption, critiquant en passant les esprits trop fermés, accompagnée d'une volonté d'y croire et d'espérer. De plus, derrière cette fantaisie maitrisée se cachent quelques sous-thèmes dits plus sérieux comme l'échec, le jugement de la différence, l'ambition sacrifiée des femmes, la condescendance de la connaissance et de la hiérarchie, l'écologie...
Là où "OVNI(s)" fait carton plein, c'est dans son casting ! Melvil Poupaud en est le dénominateur commun, et parcourt la série avec justesse et nuances, entrainant sur son passage les excellents Michel Vuillermoz, Géraldine Pailhas, Quentin Dolmaire et Laurent Poitrenaux. L'esprit loufoque et emporté gagne en densité et en dynamique grâce à eux mais mon coup de coeur revient à la révélation extravagante Daphné Patakia, qui, par son jeu très singulier, apporte un côté perché, empathique et lunaire on ne peut plus chaleureux et curieux. Et parmi cette palette d'hurluberlus, les nostalgiques des 70's se plairont à trouver quelques caméos de célébrités de l'époque.
En fait, ces personnages auxquels on s'attache rapidement ne sont nul autre que des "ratés" aux parcours chaotiques, convaincus et intuitifs, prêts à braver vents et marrées pour se sentir vivant. On sent bien que la série ne se moque jamais d'eux et c'est ce qui rend la série si bizarrement équilibrée et attrayante. Celle-ci transfigure également leur croyance ufologique en une ouverture aux autres. Joli message unanime qui fait confiance à la faculté de s'émerveiller face à l'inconnu, quel qu'il soit... Car, au surréalisme vient s'ajouter une vague de sentimental, entre confusion et insouciance, débordements et retenues. On pourrait reprocher à la série de faire du sur place et de ne pas donner du "concret" au spectateur mais la magie est ailleurs, ondulant dans des dialogues qui ornent "OVNI(s)" de quelques belles scènes rythmées, loin de tout clichés ou effets gratuits.
Bref, cette bulle fantaisiste, qui explore les confins de l'univers et de l'incertitude, vaut le coup d'oeil !