Charles Sobhraj c’est comme « Mesrine », deux portraits désagréables. Je ne sais pas si c’est l’effet « vérité », « véridique », « historique » mais ces portraits ne me procurent que deux émotions : la colère et le dégoût.
Dans les séries et films, parfois, on aime à détester les méchants, mais là, le fait que ce soit inscrit dans le réel, je n’arrive pas à « aimer à détester ».
Je déteste tout simplement.
Jean Yanne s’est accroché avec Maurice Pialat durant le tournage « Nous ne vieillirons pas ensemble ». Il souhaitait que son personnage ait des contours sympathiques, mais Pialat a tenu bon, il le voulait purement détestable.
Parfois, il arrive que des personnages détestables soient défendus par les acteurs ; ces derniers s’emploient à y trouver une once d’humanité, une connexion dans certains traits de caractère.
Pour Tahar Rahim, interpréter un personnage immonde comme Charles Sobhraj est à la fois stimulant et difficile.
Stimulant : « J’étais un jeune homme qui voulait être acteur et après avoir lu ce livre, je me suis dit : je veux jouer ce gars ».
Difficile :« Avec le réalisateur Tom Shankland, nous avons essayé de ne pas le rendre trop sympathique car on ne voulait pas glorifier un serial killer ».
« Glorifier un serial killer » ?! Il aurait été malvenu de faire l’apologie d’un serial killer comme Charles Sobhraj !
« Pas trop sympathique » ! En ce qui me concerne, je n’ai pas du tout trouvé son personnage sympathique. Dans aucune séquence de la série ! Même dans ces moments d’intimité amoureux avec Juliette et Monique à leurs débuts. Je n’ai fait preuve d’aucune objectivité. Qu’il ait été sincère dans ses déceptions envers sa mère, envers le système, envers ses amours et sa petite fille dont il a été privé, je le crois. Ça ne me le rend pas sympathique pour autant. Car je suis certain, même dans ces moments « sincères », il manipule.
Tahar Rahim s’est comporté comme ce reptile à sang froid qu’est le serpent. A lire ici ou là quelques propos sur son jeu qualifié de monocorde, monotone et peu expressif, il faut savoir qu’il n’y est pour rien, il suit les recommandations de son metteur en scène ; et à bien y réfléchir, un serpent n’exprime pas grand chose en terme d’expression faciale ! Ce qui ne l’empêche pas d’être redoutable.
Mis à part sa perruque que l’on finit par oublier, Tahar Rahim ne s’est pas contenté d’interpréter, il a incarné Charles Sobhraj. Une grande partie de son jeu passait par son regard, ses silences, une économie de mots et de gestes forts. Il faisait froid dans le dos.
La vraie Nadine Gires a été bouleversée sur le tournage : « J’étais tétanisée. J’ai cru qu’il s’était échappé de prison, qu’il revenait faire le mal (...) Tout est remonté : la colère, la peur (…) L'imaginer libre me terrorise. Que pourrait-il faire maintenant qu'il sait que je savais ?».
C’est bien ce que je dis : Tahar Rahim est l’incarnation de Charles Sobhraj. Son incarnation hante encore la vraie Nadine Gires !
Peut-on en dire autant de Jenna Coleman ? Malheureusement non, même si l’actrice se rapproche du portrait de Monique.
Etant un adepte de la version originale, Jenna Coleman ne parvient pas du tout à restituer l’accent québécois.
La Presse : « Là où ça se gâche, c’est dans le jeu de l’actrice choisie, Jenna Coleman parle un français atroce, à la limite du compréhensible. C’est vraiment gênant et dérangeant. »
L’autre quotidien québécois Le Soleil en rajoute une couche : « Au Québec, Le Serpent fait surtout jaser pour l'accent québécois invraisemblable de son actrice principale, la Britannique Jenna Coleman. Mis à part cet irritant majeur, la série britannique de huit épisodes mérite qu'on s'y intéresse ».
On peut lire plus loin : « Si le doublage ne vous incommode pas, c'est pour une fois l'option la plus sage ; la version française biffe le faux accent de Jenna Coleman. » !
Oui, Jenna Coleman a fait tout ce qu’elle a pu selon Tahar Rahim : « Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'elle a reçu les textes quatre jours avant le début du tournage, et elle ne parlait pas français, donc elle a dû apprendre la langue en un temps record ».
Un cadeau empoisonné !
Jenna Coleman, une erreur de casting ? Sans doute. L’ensemble du casting semble respecter les nationalités, n’y avait-il pas une actrice québécoise voire canadienne pour interpréter Jenna Coleman ? Une actrice française ou belge douée dans les accents ? Ou s’y rapprochant ? J’en doute fortement. Une Charlotte Le Bon aurait pu faire l’affaire par exemple.
Soit Jenna Coleman a une corde de plus à son arc artistique soit elle ne l’a pas. Ce qui est le cas. Incapable d’imiter l’accent québécois, elle n’aurait pas dû être retenue pour la crédibilité de son personnage.
Des maçons ne sont pas tous capables d’être couvreurs ! Croyez-moi, c’est du vécu ! « Qui embrasse trop, mal étreint » !
Cela dit, Jenna Coleman s’en sort très bien… dès qu’elle ne parle pas québécois !
Une série qui se mérite, j’ai adhéré après deux épisodes. Il faut s’accrocher.
Quant au montage, il peut paraître déroutant au début mais en ce qui me concerne, je m’y suis fait assez rapidement et l’affichage version aéroport fut une aide indispensable dans ces allers-retours passé-présent.
Enfin, hommage aux Knippenberg Herman (Billy Howle) et Angela (Ellie Bamber). Sans l’abnégation obsessionnelle de l’un et le support de l’une, Charles Sobhraj n’aurait pas croupi en prison.
Non seulement la série montre très bien cette détermination qui tourne à la folie mais à travers Herman Knippenberg, je suis sidéré de l’inertie, de l’indifférence de son ambassade et des autres pour leurs compatriotes disparus !
En tout cas, j’étais ravi et ému à la fin de la série de les savoir de nouveau ensemble après des années de séparation.
Contrairement au quotidien Le Soleil, j’ai tenu à regarder la série en V.O, malgré l’accent québécois horrible de Jenna Colman ; une série instructive et sidérante et qui mérite en effet « qu’on s’y intéresse ».