Avec "The Haunting of Hill House", Flanagan avait placé la barre très haut. Et, malgré quelques longueurs, notamment vers la fin, il l'avait franchie.
Adapter un roman typique de demeure hantée, dont la meilleure adaptation reste celle de Robert Wise n'est pas un exercice facile de nos jours sans tomber dans les "Jump Scare" à répétition, les lumières qui clignotent, et les silhouettes floues horrifiques en arrière plan. Le dosage de Flanagan, allié à une photographie et une mise en scène impeccable (magnifique plan séquence de plus de 12 minutes ultra découpé dans l'un des derniers épisodes...) contribuent énormément à cette première réussite.
Mais "Bly Manor" est une autre paire de manches, bien plus difficile à mettre en scène et SURTOUT à adapter. Et pour cause: l'œuvre originale est "Le Tour d'Écrou", court roman ou longue nouvelle de Henry James (190 pages). Dans l'œuvre de James, il n'y a pas à proprement parler de "hantise", ce n'est pas une œuvre horrifique, ce n'est pas non plus véritablement un roman fantastique. C'est une œuvre toute en suggestion, sur l'influence du mal d'un être corrompu moralement mais non "diabolique" au sens propre.
Donc, tout est dans la nuance, le travail d'imagination et d'interprétation du lecteur lui-même, ce que l'on croit entrevoir "du coin de l'œil" de notre esprit.
Allez adapter ça à l'écran en 2020 sans vous brûler les ailes est un pari quasi inaccessible. Trop de films d'horreur sans intelligence aucune, trop de surenchères visuelles, trop d'attentes des spectateurs rendent le travail en nuances quasi impossible...
C'est le problème de "Bly Manor". On y retouve les personnages principaux du roman d'Henry James, modernisés (1er écueil...) , une partie de l'intrigue originelle mais il faut remplir les non dits, les non vus, il faut remplacer le travail imaginaire du lecteur qui fait le succès intemporel d'un bon roman par des personnages inutiles, des scènes bavardes (2ème écueil) et des effets visuels "pour faire peur", égrénés régulièrement pour rester dans le cahier des charges...
Malgré tout, la démarche est louable et de qualité. L'image reste belle (moins soignée cependant que Hill House), l'ensemble est bien interprété (notamment grâce à la présence d'acteurs de Hill House, dans un autre rôle bien entendu) mais la mayonnaise ne prend pas, les flash-backs sont longuets et ne fonctionnent que très moyennement (alors que dans Hill House ils servaient admirablement le dénouement) et, malheureusement, les personnages ne sont pas attachants. On ne ressent pas pour eux l'empathie nécessaire lorsqu'elle est nécessaire, comme dans Hill House...
Bref, même si Bly Manor se hisse au-dessus de la production des séries "fantastiques" américaines de Netflix (ce qui n'est guère difficile car le niveau est de plus en plus bas, gore à gogo, cible ados et zéro "mystère"...), on espérait bien mieux de Flanagan. Mais il a le potentiel et le talent, espérons le, de nous "cueillir" dans la prochaine série.
Bly Manor se regarde mais une seule fois.
Alors que Hill House...