Moins épatant et accrocheur que son prédécesseur Hill House, sommet de réussite, Bly Manor se veut plus effrayant et manipulateur. Cette ‘saison 2', dont la comparaison avec Hill House est obligée, arrive pourtant à se départir de son aînée pour nous proposer une histoire effrayante, déchirante et un final grandiose.
Avant de commencer la suite de l’anthologie The Haunting, je me suis dit qu’il serait extrêmement difficile d’égaler la réussite incontestable qu’était Hill House. Changement de décors, l’Angleterre, de personnages et d’histoire. Pas facile d’oublier la ‘saison 1’ pour se plonger dans cette ‘saison 2’. Pourtant, à peine commencé, on replonge rapidement dans cette ambiance si spéciale créée par Mike Flanagan. On retrouve des têtes familières de Hill House et la transition se fait en douceur.
Dès que l’histoire est lancée dans le premier épisode, on fait peu à peu connaissance avec les différents personnages. D’ailleurs, on se dit très vite que quelque chose cloche dans cette vaste propriété et chez ses habitants. Les enfants, d’abord et surtout, mais aussi la nurse Hannah Grose et pourquoi pas le cuisinier Owen ou la jardinière Jamie. Les doutes et mystères apparaissent sans plus attendre, sans pour autant que Dani, le personnage principal, s’en rende compte. Ainsi, cette dernière est tenue à l’abri et n’a aucune idée des étrangetés qui rôdent, tout comme le spectateur.
Au début, on se dit que ces deux enfants vont être chiants et insupportables, en témoignent les tics de répétitions de l’un comme de l’autre - “perfectly splendide”. Le récit avance peu à peu et on fait de plus amples connaissances avec les personnages et le passé de chacun. La formule ici ne change pas, Mike Flanagan réutilise cette mécanique “d’un personnage par épisode” pour nous conter leur passé. Sauf que dans cette saison, le schéma change parfois quelque peu. Certains personnages ne sont pas racontés, le focus étant mis sur Peter Quint, Miss Jessel, Hannah/Owen et Dani.
À la première vue de Peter Quint et Miss Jessel, j’ai trouvé leurs personnages quelconques et parfois agaçants, loin, très loin de l’unanimité incroyable que l’on avait pour ceux de Hill House. L’épisode 5 est déroutant quand l’épisode 6 est presque ennuyeux. Je n’ai pas accroché à ces deux-là que j’ai regardés coup sur coup. Et pourtant…
Les épisodes 7, 8 et 9, le final, sont absolument éclatants de réussite. Si j’avais ressenti une petite baisse de régime lors du 5 mais surtout du 6, la série reprend du poil de la bête ensuite. Elle nous happe pour ne plus jamais nous lâcher. Une chose que je ne pensais pas possible. Je me disais que Flanagan manquait certainement d’idées, qu’il faisait durer la saison pour atteindre 9 épisodes et que le résultat serait décevant. Je redoutais que le résultat ne soit pas à la hauteur des attentes et de la suite de Hill House qu’on ne peut ignorer. On dira seulement que c’était un moment de flottement au 6ème et que je n’étais pas complètement dedans...
Car une fois cette interrogation/ épisode passé(e), quelle claque ! Je retrouvais enfin la patte et la marque Flanagan de The Haunting. Comme à son habitude (et comme dans Hill House), tout finit finalement par s’assembler, chaque pièce du puzzle, chaque question, chaque mystère, tout s’emboite, tout se rejoint. L’épouvante se fait plus présente et menaçante, la peur aussi. On enchaîne et on ne peut attendre la suite, scotché à notre fauteuil. Tout semble se rejoindre simplement, comme si les morceaux et épisodes attendaient patiemment dans un coin pour surgir et nous donner les pièces manquantes et les réponses. L’écriture de Flanagan est une réussite inconditionnelle et nous bluffe encore une fois. Des plans et scènes se renvoient parfois bien aidés par le montage et la réalisation sans faute, comme si c’était facile.
Les personnages sont divers et variés, mais toujours bien construits et parfois très intéressants. On sent le profond respect qu’éprouve Flanagan à leur encontre. Et une fois de plus, le casting est excellent, Victoria Pedretti en tête, HG, Owen et la jardinière. Les enfants sont épatants et parviennent, malgré leur jeune âge, à alterner les différentes personnalités qui les habitent… on n’en dira pas plus. Oliver Jackson-Cohen est parfait en imbécile manipulateur et détestable, loin de son rôle touchant dans Hill House. Même si son personnage et celui de Miss Jessel sont les moins attrayants.
Il y a malgré tout la sensation que quelque chose manque à cette saison. Un petit supplément qui parviendrait à nous faire oublier totalement Hill House. Si on sent un léger flottement au milieu de saison et si parfois on s’agace de personnages comme Quint ou Jessel dont on peine à entrer pleinement dans leur arc narratif, Bly Manor rectifie le tir pour nous emmener au sommet. Et quel sommet !
L’épisode final nous tient en haleine et nous fait succomber à son charme indéniable, sa tragédie, sa mélancolie, son dénouement déchirant et son final sublime. À la fin, on se dit finalement que tout était très bien ficelé, les épisodes et les péripéties s’emboitant et se renvoyant superbement. On refait la série dans notre tête et on parvient à rassembler les pièces. Finalement, tout faisait sens. On quitte la série avec un pincement au cœur, dont l'histoire, très belle et touchante, pourrait bien s’avérer plus triste et marquante que Hill House.