Avant tout... Bon sang de sang bleu, que ça fait plaisir de voir une offre aussi gonflée dans le paysage des séries françaises ! Mais à un point !
Ça fait un petit moment que Netflix tente pas mal de productions horreur/fantastique plus ou moins heureuses dans notre pays ("Marianne", "Mortel" ou "Vampires" - la première survole les deux autres à mes yeux) mais, en termes de prétentions, "La Révolution" est sans nul doute la plus ambitieuse vue jusqu'ici !
Ça se ressent déjà à la seule découverte de sa proposition atypique, revisiter les origines de la Révolution par le biais d'une uchronie où la noblesse se repaît littéralement des classes inférieures, le pari en soi est dingue sur le papier mais aborder le sujet avec le plus grand sérieux, le produire avec un budget conséquent et une direction artistique à la hauteur, relevaient presque de l'utopie.
Eh bien, quoiqu'on en pense, Netflix l'a fait ! "La Révolution" est une série d'une richesse visuelle bluffante, à un point que l'on en reste très souvent bouche bée devant sa beauté plastique. Non seulement cette création d'Aurélien Molas ne semble jamais défaillir dans sa quête artistique des plus beaux plans à offrir mais on sent ce soin, cette minutie de tous les instants, pour tirer le meilleur des ténèbres de cette époque pré-révolutionnaire afin d'en faire le cadre parfait à une vraie série d'horreur. Ainsi, le faste de la décadence aristocratique ou les faubourgs d'un comté envahi par la misère la plus noire seront des acteurs à part entière de l'imagerie de la série sur laquelle l'intrigue fantastique va généreusement répandre le sang (bleu ou non) pour précipiter une révolte inéluctable. La comparaison revient souvent mais il est vrai que l'on n'avait pas vu un traitement aussi réjouissant en la matière depuis "Le Pacte des Loups" (en même temps, niveau fantastique historique, c'est à peu près la seule référence française que l'on ait depuis des années). Par sa noirceur de ton et sa réappropriation d'un contexte historique dans une optique moderne, "La Révolution" s'inscrit clairement dans la même veine -et c'est un compliment dans mes mots.
Sur le fond, bon... ne tournons pas autour du pot : la série est hélas un peu moins réussie. Quelque part, elle rejoint là aussi le film de Christophe Gans par l'utilisation de ressorts un brin trop romanesques. Certes, toutes les composantes classiques de cette époque (complots, luttes de classes, familles dysfonctionnelles, etc) sont des ingrédients parfaits pour une série et "La Révolution" en fait une tambouille plutôt agréable à suivre, même efficace dans sa montée en puissance et vis-à-vis du sort de certains protagonistes (tout ce qui entoure l'héroïne incarnée par la jolie révélation Marilou Aussilloux et sa famille notamment), mais le résultat n'est jamais aussi imprévisible que voulu, donnant le sentiment de suivre un déroulement connu d'avance (d'ailleurs, quand la série ose véritablement un twist sur un personnage dans ses derniers instants, celui-ci tranche tellement avec le reste qu'il semble sortir de nulle part).
Cette impression d'un parcours trop balisé est aussi renforcée par le format de série Netflix à la recette de plus en plus figée. Avec les ficelles habituelles pour rendre le visionnage le plus addictif possible, des périodes de remplissage se font nettement ressentir en milieu de saison (si on devait élaguer l'épisode 5 dans le but de ne garder que ce qui serait pertinent pour la suite, il durerait à peine un quart d'heure) et, à quelques détails près, la construction de l'intrigue en différentes phases ne peut guère entretenir le brouillard sur l'affrontement final inévitable.
Enfin, il est difficile de ne pas ressortir légèrement frustré à la fin de ces huit épisodes car, en l'état, il s'agit bien d'une première saison nous promettant (à l'instar du prologue et de la voix-off) d'emmener l'ensemble de cette aventure sur un terrain de jeu encore bien plus vaste. Mais cette frustration-là laisse surtout place à de l'optimisme : au vu des belles ambitions affichées, il est fort probable que l'envergure d'une nouvelle échelle corrige pas mal de défauts de fond à "La Révolution" en devenir et hisse son histoire au niveau de sa flamboyance esthétique.
La Révolution est en marche et on ne demande qu'à la voir prendre une plus grande ampleur dans la prochaine saison !