Shadowplay est une bonne série, de bons acteurs, de bonnes intrigues, un bon décor qui met dans l'ambiance. S'intéresser à cette période de l'Histoire est une excellente idée, tant elle est souvent délaissée par les films etc...
Pour autant je trouve dommage que la série repose en majeure partie sur Max et Elsie qui ne me paraissent pas être les meilleurs personnages pour affronter cette période difficile. Le premier n'a pas fait la guerre et débarque frais comme un gardon pour retrouver son frère, déserteur après avoir été confronté aux horreurs de la guerre. Max est assez insensible et très distant des drames qui ont ravagé l'Europe. En cela il campe certainement un policier-médiateur assez parfait. Pour son malheur il tombe amoureux d'une riche alcoolique de la bourgeoisie anglaise (assez pénible mais qui semble la seule à être lucide sur le monde qui l'entoure, bien que très aveugle au business de son mari), mariée au chef américain, si bien qu'il en oublie son frère et s'empêtre dans une banale histoire d'adultère. Sa seule blessure réside dans un traumatisme d'enfance. Pourquoi pas. Il devient détestable dès qu'il tente de tuer son frère.
On sait d'Elsie que son mari a été fait prisonnier de guerre par les Russes. On ne sait trop rien sur ce qu'elle faisait pendant la guerre. Son rôle est un peu flou. Etait-elle Nazie, a-t-elle souffert (hormis de l'absence de son mari et de l'impossibilité d'avoir un enfant...). Des soucis sommes toutes assez mineurs en comparaison de ce qu'on subis les personnages plus secondaires qui sont dans un autre état d'esprit. On ne va pas se mentir, ce n'est pas le personnage le plus intéressant qui soit. Elle ne semble pas être un personnage fiable, pas plus qu'elle ne semble être une femme de parole. A l'image d'une bonne partie des policiers, elle est fait l'objet de pressions par des intervenants externes.
Elsie et Max ne sont pas les personnages auxquels on a envie de s'identifier, contrairement aux rôles plus secondaires, plus passionnés et en lutte. Encore en état de choc et de sidération de ce qu'ils viennent de vivre. Karin Mann est encore victime de la guerre puisqu'elle veut se faire avorter d'un viol collectif par des soldats américains. Dommage, elle devient une horrible criminelle qui n'hésite pas à assassiner une jeune innocente (plutôt que d'essayer de fuir...). Ce qui n'en fait pas un personnage appréciable. Il est dommage d'avoir fait d'une victime, une meurtrière insensible, d'autant que ce n'était pas un meurtre nécessaire à sa propre survie, sinon un acte de facilité.... La série évoque ces drames, mais reste encore trop soft sur le sujet, comme si cela demeurait un crime anecdotique qui aura pour conséquence la descente aux enfers de Karin. Les viols ont été considérables, tant par les Allemands, par les Russes, par les Américains... Cela a marqué des générations de femmes et on peine à le ressentir dans la série, comme si la série hésitait à s'emparer du sujet.
C'est sans doute pour cela que le personnage qui se détache le plus est Moritz, le soldat déserteur qui a pété une durite et pourchasse les pires criminels. C'est un vengeur très abimé mais très inspiré. Peut-être un peu trop caricatural. Il ne mérite pas d'avoir un frère si lâche qui se refuse à assassiner des Nazis, mais qui n'hésite pas à lui coller une balle du côté du cœur (cette contradiction est difficile à avaler pour le spectateur). Pour Max, Moritz est un serial-killer fou. Alors que Moritz est une victime de la guerre qui cherche réparation et justice face à des êtres humains dont les crimes sont encore trop peu révélés, à peine effleurés (un peu comme les tabous qui s'installaient à l'époque?). On a presque l'impression que la série dédramatise certaines choses en les lissant sur le même plan que les drames familiaux dignes de faits divers. Moritz est allé à Birkenau et s'est prit la cruauté en pleine face, dans tout ce qu'elle peut représenter de pire. Des charniers au savon, il a certainement tout vu. Ses fêlures d'enfance prennent un sens, parce qu'elles ont créé un terreau de fragilité. Moritz est encore en guerre, dans un pays encore secoué par les règlements de compte, où l'ordre peine à s'installer. On adorerait que ce personnage soit développé davantage et puisse sortir de son rôle de loup-solitaire dans lequel il a étrangement été enfermé au fil des épisodes (alors qu'il semble avoir un lien avec la mystérieuse femme à la cicatrice). On aurait aimé voir ses interactions avec des personnages (plutôt qu'avec des murs), pourquoi pas aussi ou encore plus abimés que lui. Sa brutalité est employée difficilement. C'est un ex soldat qui n'a pas peur de la violence et qui veut l'employer sur des gens d'une extrême violence = là où la série pêche, c'est de caricaturer cette violence en sadisme. La série réussit en revanche, comme en temps de guerre, à rebattre les cartes de la morale. Les lignes deviennent floues entre le bien et le mal, en nous présentant un Moritz qui a tout pour être le méchant de l'histoire (puisque tuer c'est mal), mais qui bizarrement sort plus vertueux que les autres.
Par ailleurs la souffrance des personnes sorties des camps est quasi-absente. De même que les haines mutuelles que chacun éprouvait pour un camp ou pour l'autre. La méfiance généralisée des uns pour les autres. C'est à peine si on s'intéresse aux personnages plus passionnés et passionnants tels que la femme à la cicatrice. On regrette l'absence de personnages complètement détruits psychologiquement et physiquement par la guerre, qui ont vu leur famille massacrées, qui ont subis les pires tortures physiques et psychologiques, qui doivent encore avoir les stigmates. Pourtant, on n'est pas au central Perk de New York avec une jolie bande d'amis à boire un énième café. Ces sujets devraient être le cœur de la série, c'est un peu ce que l'on vient chercher dans une série relatant ce moment oublié de l'Histoire. S'il y a une saison 2, ce que j'espère, je fonde beaucoup d'espoir sur le personnage de Moritz (à condition qu'il ne soit pas mort).