Le surnaturel à la télévision ? Voilà une entreprise suffisamment rare pour qu'on la salue et s’y intéresse ! Je le reconnais volontiers : les trois premiers épisodes, à l’accroche prometteuse, avaient allumé ma curiosité (qu’on pardonne un jeu de mots aussi tentant…) et même tenu en haleine, malgré de visibles défauts. Hier soir, j’étais donc impatient de connaître l’identité de ce « Moloch » et le sort à lui réservé. Mais dès le quatrième épisode, voilà que mon intérêt retombe comme un soufflé. Une irrémédiable lassitude me gagne pour ne plus me quitter... Pourquoi ? Parce que l'intrigue patine bien vite faute d’un scénario solidement et suffisamment construit. De multiples pistes s’ébauchent, progressent de façon parallèle, s’entrecroisent, mais aucune n’aboutit. D’où une impression déplaisante d’inconsistance et de but manqué.
Seul point positif, à mes yeux : les décors. Cette poésie de la nuit et des endroits insolites m'a rappelé le mémorable « Belphégor » de mon enfance. Ambiance brumeuse d'un port septentrional indéfini ; kaléidoscope d’ombres et de lumières ; périphérie urbaine hors du monde et du temps : le mystère teinté d’angoisse est bien, voire magistralement créé. D’emblée, la magie opère…
Mais rapidement, j’ai senti que quelque chose ne va pas, que l’essentiel manque. Laborieux, répétitif, le scénario piétine... Et contrairement à ce que je lis çà et là, le jeu des comédiens ne me convainc pas. Presque tous (à part peut-être Arnaud Valois, que j’ai trouvé constamment en état de grâce) semblent à côté de leur personnage, comme dépassés par un rôle qui leur échappe. Des personnages dépourvus d’épaisseur psychologique, englués dans les événements, fantoches autant qu’obstinés. Tous plus antipathiques les uns que les autres, au demeurant ! Cette jeune journaliste avide de reconnaissance sociale, apparemment incapable d’aimer parce que mal-aimée de parents désunis mais prisonniers du paraître, crabe dans un panier de crabes, fumeuse compulsive à la moue constamment renfrognée… Son collègue masculin complice autant qu’envieux, aussi insaisissable que son improbable accent... Leurs détestables responsables hiérarchiques, usant cyniquement de leur pouvoir - ici, la critique d’un monde professionnel âpre et dépourvu d’empathie touche juste… Le pitoyable psychiatre aussi détraqué que ses patients, voire plus atteint qu’eux, en proie à un mal-être dont il ne peut s’extraire et qu’en dépit de constants flashes-back, on peine à comprendre… Le chauffeur d’autobus halluciné, flottant entre on ne sait quelles eaux, qui semble jusqu’à la fin se demander ce qu’il est venu faire dans cette galère... La petite fille qu’on voudrait touchante mais qui n’apparaît guère plus convaincante que les adultes, perdue dans leurs ténèbres poisseuses : autant de pantins dont un mauvais génie semble tirer les invisibles mais lourdes ficelles...
Des dialogues inconsistants ; des clichés appuyés (sur les cités, notamment : ambiance glauque à souhait ; immeubles-barres à coursives ; terrains vagues ; piste de skate-board ; loubards à capuches ; vociférations : rien ne manque au tableau !) ; une musique désagréablement envahissante : autant de poids qui accusent l’absence de progression dramatique, lestent un ensemble qui n’en avait pas besoin et dilatent le temps jusqu’à l’interminable. Car disons-le : la série aurait gagné à se condenser sur trois épisodes au lieu de six. Laborieuse, l’action tourne en rond, se répète et débouche, au mieux, sur une interrogation sans réponse. Même l’image finale de l’enfant qui avance puis disparaît dans la mer - métaphore belle sans doute, mais ô combien appuyée ! : l’immensité océane opposée à la piscine étouffante où va nager la journaliste ; l’eau primordiale source de vie, qui éteint un feu démoniaque hérité d’âges barbares et lave toute cette boue urbaine… - m’a laissé sur ma faim. Qu’a-t-on voulu dire ? Que le mal est toujours châtié ? La démonstration ne paraît guère convaincante, certaines victimes ne semblant pas avoir mérité leur sort affreux - et l’Histoire nous enseigne, hélas, que bien des crimes restent impunis... Qu’il faut mettre un terme aux inégalités sociales ? Que nos équilibres environnementaux sont menacés ? Le genre fantastique ne s’y prête sans doute guère et la critique manque singulièrement son but. Fable bavarde, inaboutie, pesante jusqu’à l’indigeste : Moloch m’aura consumé dans un ennui consommé.