Je n'ai aucun intérêt pour les voitures en général, et j'ai toujours trouvé curieux de passer des heures devant sa télévision à regarder des pilotes rouler durant les week-ends de Grand Prix. Et pourtant, "Formula 1: Pilotes de leur destin" réussit l'impossible, à fasciner des spectateurs comme moi, et à fasciner tout court. Ce que nous aimons regarder, ce sont des histoires, des luttes, des duels, et ce monde-là en regorge. Ce sont 20 hommes, jeunes, beaux, riches (ou soutenus par des riches), avec des corps entraînés, sûrs d'eux, qui doivent se battre pour cette première place. Ces 20 garçons qui ont l'honneur d'avoir été élus (certains pour leurs qualités sportives indéniables, d'autres pour avoir les premières mais aussi le bras long) ont tous le désir non dissimulé, non seulement de gagner, mais d'être champion du monde. Certains l'annoncent, sûrs d'eux, avec le sourire, avant qu'une course malchanceuse n'ébrèche légèrement leur fierté. Comme les joutes antiques ou les batailles divines de l'Antiquité grecque et romaine, on en revient ici à la base, à la mythologie créée autour du sport et du surhomme, aux larmes, aux gouttes de sueur, à la frustration, mais aussi au fric bien évidemment. Comme on le découvre, c'est un sport gouverné par des gros bonnets (comme d'autres sports d'ailleurs, mais cela semble avoir une influence particulière en Formule 1), qui ont d'ailleurs souvent la panse allant avec, le cigare au bec, les lunettes de soleil pour cacher leurs intentions véritables, qui sont pourtant aisément devinables. On y investit des dollars, des millions, des centaines de millions de dollars. Ils (parce que je ne pense n'avoir vu que des hommes) veulent un retour sur investissement, et vite, sinon leur argent ira voir ailleurs. Ces pilotes ont intérêt à marquer des points, et les voitures à être performantes. "Formula 1: Pilotes de leur destin" propose donc un aperçu rapide de la vie de ces garçons, un ou deux héros par épisode, qui se racontent face caméra, tandis qu'on suivra en parallèle leurs performances sportives. On donnera également la parole aux managers, souvent ceux de Renaut, Haas et Red Bull, au coude à coude dans la course, qui bien que moins jeunes, ont tout autant la rage de vaincre, et de laisser leurs adversaires derrière leurs rétroviseurs. Le duel entre Renaut et Red Bull, durant la saison 1, donnera droit à des piques bien senties entre Cyril Abiteboul et Christian Horner. L'idée brillante de la première saison est d'écarter Ferrari et Hamilton (Mercedes) de la discussion. Ce sont les grands vainqueurs, les gagnants sans concurrence. Ils sont ici peu intéressants d'un point de vue dramaturgique. Qui de Renaut, Haas ou Red Bull finira quatrième ou cinquième, c'est là que se révèle être l'enjeu scénaristique véritable du show. Dans la deuxième saison, Ferrari et Mercedes sont intégrés dans l'aventure pour une approche plus intimiste des luttes pouvant se créer à l'intérieur d'une même équipe, entre co-équipiers. Netflix suit les écuries pendant plusieurs jours, et tente de cerner l'individualité des sportifs. On se désintéresse presque de la compétition générale pour filmer les micro-conflits, psychologiques ou sur l'asphalte. La série fascine par ces duels de coq permanents qu'elle nous donne l'occasion de vivre. Ce sport étant soutenu par une manne financière gigantesque, il est également suivi par son équivalent en termes journalistiques. Tout est filmé, montré, analysé. Les caméras captent des conversations, des instants de fureur, contenue ou non, de joie, des mots lancés comme une provocation, de manière consciente ou non, à son destinataire et aux spectateurs. Comme dans notre vie quotidienne, il semble y avoir de moins en moins de frontières entre le privé et le professionnel. Les haines sont connues, on sait que ce sportif-là ne supporte pas un autre, qu'un manager garde de (si peu) cordiales relations avec l'autre, si peu de choses semblent encore cachées. Ce sport est à la fois collectif, quand on s'aperçoit de la masse incroyable de personnes travaillant pour faire en sorte que cette voiture roule et devance tout le monde, et un combat individuel, chacun de ces champions voulant marquer l'histoire. La particularité de la Formule 1 est la rivalité intense et parfois destructrice qui peut se créer entre les membres d'une même "équipe". Il faut bien écrire ce mot entre guillemets tant il semble que cette équipe n'est que fictive, ne reposant que sur un nom, une image, une publicité, et qu'une fois sur la route, plus rien ne compte vraiment, son coéquipier devenant un adversaire comme un autre. Cette relation amour-haine, plus tirée vers la haine que l'amour, peut être désastreuse pour tout le collectif. Enfin, d'une manière générale, on filme ici pour créer de beaux plans. On cherche à sublimer ce sport, ces athlètes, à rendre leur vie plus belle, plus compétitive, plus excitante qu'elle ne l'est déjà, à rajouter du mythe sur du mythe. La musique joue sur le suspens (pour les novices comme moi qui n'en savent rien de qui gagne ou pas à la fin). De Grands Prix en Grands Prix, d'interviews en interviews, de souvenirs en souvenirs, on cherche à créer une série agréable à regarder, pour le plaisir des yeux et des sens, sans jamais être superficielle. Pari réussi pour cette très bonne surprise, ce très bon documentaire sportif signé Netflix, alors jetez-vous dessus sans plus tarder !