Que de sentiments contraires lorsqu'il s'agit d'aborder le cas de "Shadow and Bone", la nouvelle série de fantasy Netflix.
Adapté des romans young adult de Leigh Bardugo, "Shadow and Bone" nous transporte dans un univers fictif inspiré d'une Russie à l'aube de la révolution industrielle. Un cadre original pour donner vie à deux histoires qui s'entremêlent, chacune tirée à l'origine d'un livre différent.
Sans juger le travail d'adaptation comme il m'avait été possible de le faire sur "The Witcher" (je n'ai pas lu les livres), je dois bien avouer qu'au premier abord, la série m'a très vite conquis. L'épisode 1 est particulièrement solide, très fluide, avec de bonnes introductions, que ce soit pour les personnages ou l'univers. Pour une fois, chez Netflix, la production est très soignée et hormis quelques scènes qui donnent parfois l'impression d'avoir été tourné dans la forêt d'à côté, on reste véritablement impressionné par la réalisation et les visuels, avec notamment des effets spéciaux très soignés, ce qui était l'un des gros défauts de "The Witcher", autre série ambitieuse de fantasy Netflix. (Le montage est également très bon, à quelques exceptions près, notamment dans certains transitions.)
Après une petite baisse de régime dans les épisodes 2 et 3 nécessaire pour planter le décor, on retrouve à nouveau deux épisodes très réussis (mention spéciale à l'épisode 5). Là où le bas blesse, c'est à partir de l'épisode 6. On sent que les scénaristes doivent arriver à une conclusion et pour ce faire, ils ne vont pas se priver de faire quelques raccourcis parfois un peu frustrant
(tout en s'autorisant un flashback inutile et bancale sur le Darkling en début d'épisode 7)
. Ainsi, même si le final répond dans l'ensemble à nos attentes, on regrettera qu'il n'y ait pas eu 1 ou 2 épisodes de plus pour rendre le tout plus cohérent et moins rushé.
Malgré cela, "Shadow and Bone" nous offre un spectacle de qualité, à l'heure où la fantasy reste sous-représentée sur écran, notamment de part les coûts importants de ce genre de productions. La série parvient à se créer une véritable identité (le riche univers des romans aide bien) en nous maintenant en haleine tout du long et reste une réussite globale, jusque dans des aspects plus confidentiels comme la musique, avec un travail très intéressant des cordes frottées. Certes, le ton global de l’œuvre demeure un peu trop léger à mon goût (young adult oblige), mais certains passages sont tout de même assez durs et viennent bien contrebalancer les moments un peu trop culcul (genre le triangle amoureux, faut vraiment arrêter avec ça, surtout qu'il est claqué au sol là).
Reste à parler des personnages et du jeu d'acteur où là aussi, à l'image du scénario, quelques fausses notes noircissent le tableau d'ensemble. Le principal problème est que les Crows (le groupe de voleurs) est plus plaisant à suivre que notre héroïne, Alina, dont le personnage peut s'avérer assez irritant, ce qui n'est pas aidé par le jeu monocorde de l'actrice principale qui ne m'a pas vraiment convaincu,
surtout à partir de son arrivée au Little Palace
. Ben Barnes est plutôt à l'aise
en méchant
, même s'il tombe parfois dans un léger surjeu
(et j'ai du mal à digérer le rebondissement de fin sur sa survie, comment ??)
. Le personnage de Mal, en revanche, est nettement plus réussi (l'acteur est très bon), tout comme le sont Kaz, Inej et Jesper (les Crows). Jesper apporte un humour bien dosé sans presque jamais tomber dans la surenchère, là où Kaz et Inej brossent des portait plus nuancés, avec une certaine souffrance intérieure qui ne demande qu'à être développé (on espère en profiter davantage en saison 2).
En résumé, "Shadow and Bone" est vraiment solide et dépasse même "The Witcher" sur certains points, comme dans sa qualité de production (ça fait d'ailleurs un peu chier quand on connaît le budget du Sorceleur). L'univers est original et le scénario prenant, bien que déraillant un peu dans son dernier acte. On regrettera une saison trop courte menant à plusieurs raccourcis, ainsi qu'un côté young adult parfois trop présent et des personnages inégaux, à commencer par Alina qui, malgré qu'elle soit l'héroïne, ne parvient pas à être attachante comme peut par exemple l'être un Geralt de Riv. La série démarre donc sur de bons rails, mais on espère qu'elle corrigera le tir sur ces quelques éléments pour confirmer en saison 2.