Une mini-série docu-fictionnelle de Netflix en six épisodes pendant lesquels le cœur des Grecs, des Italiens et de tout chrétien en général doit se remplir d'une énorme fierté, alors que les musulmans comme moi tombent des nues ! Frustrant, décourageant, démystifiant. Un désenchantement total. À quoi pensaient les Turcs en tournant cette série, si tant est qu'ils pensaient quelque chose ? Pourquoi citer plusieurs fois le hadith selon lequel le prophète Muhammed aurait dit à propos du futur vainqueur de Constantinople : « Quel excellent commandant que celui qui la conquerra, et quelle excellente armée que la sienne ! » ? Telles que les choses se présentent dans cette série, le commandant en question, le sultan ottoman Mehmet II, est plutôt minable, et son armée encore plus. Leur victoire est une victoire à la Pyrrhus et à la russe (cf. bataille de Rjev en 1942), la stratégie essentielle consistant à envoyer à la boucherie autant de chair à canon qu'il est nécessaire pour noyer les défenseurs sous les corps et dans le sang des assaillants. La seule fois où Mehmet a fait preuve d'intelligence, c'est
quand il a fait transférer ses bateaux par terre à l'arrière de la flotte byzantine en prenant ainsi cette dernière à revers. À part ça, rien. Si ce n'est l'énorme canon conçu par un chrétien venu de la Hongrie vendre ses services au plus offrant et qui perd la vie par la faute du sultan
. De plus, Mehmet apparaît rancunier et vindicatif sans raison valable, il n'a aucune grandeur d'âme ni miséricorde. Il est arrogant et superstitieux. Quand il s'empare enfin de la ville, il dit qu'il va y bâtir « une nouvelle Rome » ! Une référence bizarre pour un chef de confession musulmane. (Et moi qui ai toujours eu horreur du vieux fantasme russe qui veut que Moscou soit la « Troisième Rome » ! Et bien, les Moscovites ne sont pas les premiers à avoir cette idée, on dirait...) L'empereur byzantin, Constantin XI, et, surtout, son allié génois, Giovanni Giustiniani, sont parfaits, très efficaces et quasiment invincibles. Ils sont expressément comparés à la poignée de Grecs qui avaient tenu tête à la marée des conquérants perses, lors de la fameuse Bataille des Thermopyles, il y a vingt siècles auparavant.
Constantin meurt en héros absolu.
La prise de la ville donne le sentiment d'injustice ; on voit que ce n'était pas du tout quelque chose d'inéluctable et que, avec un tout petit peu de chance, cet accident de l'histoire aurait pu être évité. Les créateurs de la série n'ont apparemment pas conscience qu'ils ont porté un coup dur en termes d'image à leur nation. Déjà qu'elle est détestée dans le monde à cause du sempiternel « islamo-conservatisme » d'Erdogan. Et la voici dépeinte sous un jour défavorable même à l'époque censée être des plus glorieuses dans son histoire !.. Rien d'étonnant donc si cette série se voit attribuer (à l'heure où j'écris cette critique) une généreuse note de 3,7 : si j'étais issu d'une société de tradition chrétienne, j'aurais adoré moi aussi.