Réellement une excellente surprise, la série WandaVision est à la fois originale, profonde et instructive. Loin des platitudes que l'on peut volontiers reprocher à Marvel, elle surprend au contraire par son inventivité.
Parlant de construction pure, les créateurs ont su intriguer dans un premier temps, avec des épisodes construits sur le modèle d'une sitcom évolutive. Regorgeant de références aux têtes du genre - notamment Ma sorcière bien-aimée - et plus généralement aux décennies concernées, la série utilise habilement l'humour absurde et circonstanciel propre aux sitcoms. La légèreté de ces premiers épisodes se teinte de façon subtile d'un malaise diffus que l'on est au départ bien en peine d'expliquer. De petits détails incohérents, des absences subites dans le comportement des personnages, puis des indices de plus en plus troublants nous orientent petit à petit vers l'explication de cet univers, qui, à l'instar du Truman Show, semble trop parfait pour être réel. Maintenu en haleine, malgré le peu d'action de ces premiers épisodes, par l'ambiance ambivalente, les dialogues délicieux et le jeu des acteurs - on notera évidemment la superbe performance d'Elizabeth Olsen, qui se révèle sous un jour réellement nouveau, différente du personnage sombre auquel Marvel l'a réduite dans ses quelques apparitions au grand écran - l'intrigue se met progressivement en place, pour s'achever dans une grandiose fantasmagorie.
Au delà de ces constatations générales, on peut noter deux axes dignes d'intérêt : l’approfondissent du passé, de l'histoire et de la psychologie de Wanda Maximoff, puis la mise en place de son personnage dans la future trame de l'univers Marvel - et sans doute même du Multivers !
En effet, l'apparition de Wanda Maximoff dans les Avengers avait au final été relativement brève - ce qui n'est pas étonnant, étant donné la multiplicité des personnages, et l'intrigue essentiellement centrée sur Iron Man et Captain America. L'engagement de Wanda et Pietro dans les expériences d'optimisation d'Hydra avait rapidement été justifié par une haine farouche à l'encontre de Tony Stark, responsable de la fabrication des armes ayant causé des ravages dans leur pays et la mort de leurs parents : la question demeurait toutefois du succès de ces expériences sur les jumeaux uniquement.
La série apporte ainsi des détails bienvenus sur cette période de la vie de Wanda ; des images de son enfance, du traumatisme de l'attaque, puis plus tard des expériences auxquelles elle a été sujette. On comprend devant ces images et avec les propos d'Agnès, l'antagoniste, que l'exposition à la pierre de l'esprit n'a été pour Wanda qu'un déclencheur, réveillant un pouvoir auquel elle semblait prédestinée, ou qui était du moins présent de façon latente ; cela justifie sa propre survie et le développement de ses pouvoirs psychiques.
Ces éclaircissements sur le passé proche et lointain de Wanda apportent la compréhension de son comportement et rendent le personnage de plus en plus complexe et intéressant.
Les deuils successifs - suivant la perte de son frère Pietro, puis celle de Vision - sont peu traités dans les films, mais éclairés ici. Submergée de douleur, Wanda atteint le paroxysme de sa peine à l'endroit où Vision et elle prévoyait un avenir commun. L'explosion de puissance qui s'ensuit - l'utilisation de ses pouvoirs pour créer un microcosme isolé du monde extérieur - semble être un mécanisme de défense presque inconscient, incarnant la phase de déni du deuil. Le quotidien que Wanda met en place, sur le modèle des sitcoms qui ont bercé son enfance, est la réalisation de la vie rêvée qu'elle aurait dû partager avec Vision. Elle-même semble parfois à peine consciente de son implication dans le scénario de son monde - on peut se demander, au début, si elle n'est pas manipulée par un élément extérieur qui déclencherait une hallucination constante. Même s'il ne s'agit finalement pas d'un tiers, Wanda est tout de même prise au piège de sa propre construction, à laquelle elle s'accroche désespérément ; d'où sa colère lorsque d'autres interviennent dans son univers. A la fois coupable et victime, la finesse de la série repose en ce qu'il est difficile - pour moi du moins - de blâmer Wanda pour ce qu'elle a fait.
Si la création de cette bulle-monde est le résultat des évènements qui ont jalonnés l'existence récente de Wanda, elle est aussi prétexte à l'évolution et la révélation du personnage. Agnès, qui se révèle dont être l'antagoniste principale de la série -le SWORD n'étant à mon sens qu'une nuisance - sert d'intermédiaire à l'introduction d'une figure légendaire, dont l'arrivée est sujet à prophétie dans la tradition des sorcières. La nature du pouvoir de Wanda - une magie créatrice qui ne nécessite ni rituels, ni incantation - amène Agnès à voir en elle cette entité d'une puissance incroyable, destinée à la destruction. Cela ouvre nombres de possibilité pour la future implication de Wanda dans l'intrigue du MCU ; sa nature entièrement révélée, elle possède à la fois un immense potentiel de création, comme un dangereux potentiel de destruction.
WandaVision pose donc le fondement d'un personnage qui pourra se révéler central dans la nouvelle génération Marvel, et au faîte de sa potentialité ... dans un ciel rougeoyant aux airs d'apocalypse, nous assistons à la naissance de Scarlet Witch !