Il y'a quelque chose qui refroidit toute cette vigueur d'antan et qui vient assommer le public à coup de marteau. Mais cela est une considération qui n'a pas grand intérêt actuellement, si l'on admet que Marvel ne cherche pas nécessairement à sur-engraisser son public de ce qu'il savait faire déjà en terme de spectacle, mais plutôt que d'opter une approche plus franche, plus mature, plus fidèle à l'esprit du matériau de base. Et c'est là qu'il entreprend véritablement de rentrer dans la profondeur psychologique de l'un de ses personnages phares, en se donnant le temps de faire ressortir en eux ce côté "intimiste" justement inaccessible (que l'on pouvait approcher que maigrement depuis leur apparition sur grand écran - exception faite bien sûr d'un Thor, ou d'un Captain America...). Marvel donne le privilège à ses personnages secondaires de prendre les devants de la scène. Et il le fait agréablement bien !
Avec Loki, Marvel continue d'amplifier son message politique du libre arbitre, en se heurtant frontalement cette fois à l'esprit de système dans ce tribunal temporel. Et accorde au personnage de Tom Hiddleston (Loki) une résonance (magnétique) effective qui vient renforcer son message de départ de la liberté. Au fond sa philosophie s'attaque au pouvoir despotique des gouvernants ! Et le seul moyen pour arriver à renverser cette tendance, c'est de se donner d'abord les moyens de le faire. Comme Machiavel : "La fin justifie les moyens". Au fond, toute la psychologie du personnage est axée sur ce précepte. Et ce n'est pas assez qu'on le surnomme le Dieu de la malice ! Car il laisse entrevoir par son attitude une grande primauté accordée à ce désir immédiat de subtilité dans les choix, en se démarquant très nettement de la vision contemporaine de l'ordre, même s'il lui fallait faire recours à des méthodes condamnables, même s'il sait au fond que cela incombe des risques et des sacrifices.
Parfois, comme un brillant joueur d'échecs qui a cette faculté innée de toujours avoir une longueur d'avance sur ses adversaires.
Repêché de façon in-extremis par Mobius (Owen Wilson - toujours excellent) de la sentence réservé par le tribunal du flux temporel à tout ceux qui enfreignent les lois du temps et où il sera exposé à de grands dilemmes moraux qui semblent à priori affecter sa crédibilité en tant que "futur roi de la montagne" - notamment sur ses agissements passés ainsi que futurs qui éveilleront en lui de grands soupçons quant à sa nouvelle destinée.
Et s'il y'a une chose capable de faire la différence face à cette nouvelle menace qui risque de provoquer un effondrement temporel, ce n'est pas toujours le fait qu'il soit armé de ses pouvoirs magiques avec lesquels il peut facilement déstabiliser son adversaire : il s'en sert comme d'un second recours. Car ce qui fait la magie du personnage, au fond, n'a pas toujours été cela.
Marvel surprend et continue de surprendre agréablement son spectateur en ne cédant pas à cette facilité. Et ce sera enfin de compte son habileté d'intelligence qu'il manie à la perfection ! Qui vient bousculer la donne.
Se confortant à fructifier la densité psychologique de son personnage dont l'atout majeur se justifie dans ses prouesses intellectuelles à toujours devancer ses adversaires (et d'ailleurs c'est en cela que réside toute la magie du personnage), Marvel va sensiblement jouer sur cet aspect du personnage de Hiddleston (sans renter dans des complexités cosmiques) et lui donne une bonne fois pour toute un devenir plutôt intéressant à suivre.
Se confrontant avec Mobius qui sera pour lui un adversaire psychologique redoutable, mais aussi un mentor : tel un "guide spirituel", il tentera de l'initier à la philosophie du flux temporel et de son idée de la création en général (qu'ils essayeront de creuser ensemble, mais sans trop submerger le spectateur de détails), relevant par là, par sa perspicacité offensive (comme l'un des représentants les plus hauts placées du tribunal temporel) des questions sensibles qui viennent heurter les préjugés qui se sont déjà instaurées dans la conscience du personnage de Hiddleston (Loki).
Mobius sera le véritable alter-ego de Loki. Comme un "psychiatre" : il tentera de démystifier (de psychologiser) l'aspect du personnage, en le confrontant avec ses agissements passés : une mise à nue qui nous fait rentrer à l'occasion au cœur du personnage (peut être un privilège accordé qui lui permettra sans doute de transcender l'archétype du méchant complexe parfois un peu puéril et qui sait... de pouvoir passer à autre chose) afin de le réconcilier avec lui-même par le biais de mécanismes subtils qui viennent impacter sur l'aspect psychologique du personnage.
Hélas ! Cela ne fait que nous ramener à un point déjà connu (pour ceux qui ont parcouru l'évolution du personnage depuis le début de la franchise) : une tentative pour les scénaristes de reconnecter le personnage dans la même perspective pré Infinity-War.
Loki reflète souvent l'antithèse de ce modèle social formaté par le système. Essayant de titiller par là la mauvaise conscience de l'homme moderne toujours sous la tutelle de ses croyances périmées, de ses préjugés inaltérables qui constituent pour "L'homme Supérieur" qu'il croit être et qu'il veut bien nous faire croire au passage : des obstacles (un opium pour ainsi dire) conduisant souvent à des mauvais choix, des naufrages idéologiques ! Dont celui de la liberté : le plus grand mensonge inventé par l'homme inférieur.
Marvel attaque et continue de s'attaquer à l'inefficacité des gouvernants, en convoquant une des thématiques les plus revisitées par la firme de Disney, en passant par " Black Widow" et "The Falcon and The Winter Soldier" : le libre-arbitre qui constitue un thème assez récurrent -actuellement- dans sa production ciné et série. De quoi interpellé l'intelligence du spectateur à une profonde relecture qui renvoie ce dernier aux fondements canoniques du comics.
Avengers : EndGame a été le summum de la "perfection" en terme de divertissement cinématographique actuel (à grand spectacle) : un âge d'or qui a marqué la suprématie de cette franchise cosmique : le MCU. Mais aussi chez la firme de Disney la fin et le début d'un (nouveau) cycle : un grand retour à la maturité qu'il renouvelle brillamment avec "Loki", en surfant sur des thématiques qui viennent bousculer la curiosité des plus sceptiques, tout en offrant au spectateur de la première heure là possibilité d'adopter une nouvelle lecture de ses personnages phares qui reviennent en puissance sur petit écran, en plus d'apporter une fraîcheur émotionnelle inédite ! Qui fausse la perception que nous avions à leur égard.
Confronté à son autre alter-ego : son archétype au féminin dans une série de confrontation psychologique et physique qui expose le protagoniste (Loki) à la découverte de son nouveau reflet renvoyé par Lady Loki (Sophia Di Martino) où il fait au passage une découverte surprenante s'agissant de ses fameux tributaires du temps dans une fabuleuse planète qui les retient captif !
Ils finiront malgré leurs divergences d'opinions à se comprendre, et vont finalement s'entraider pour se libérer de ces lieux sinistres sur le point d'être réduit à néant. Et c'est là que les ennuis commencent : on plonge dans un bavardage incessant qui noie le spectateur dans un niveau de sentimentalisme un peu trop étiré ! Qui semble soudainement faire fi et pendant un bon moment de la menace imminente (planante) au dessus des deux Loki prisonniers d'une forme de monotonie légèrement agaçante qui épuise le passé sans jamais donner une alternative saisissante qui viendrait nous extirper de ce long escapade romantique.
Extirpés de façon in-extremis dans ses lieux en ruine par les gardiens du temps qui se donnent à cœur joie de les re-capturer à nouveau. Et connaissant le mental d'acier de son autre alter-ego (Mobius) toujours aussi subtil à la danse, agrémentant le tout avec un soupçon de sarcasme dans ce jeux d'intelligence qui l'oppose à Loki, tout en s'amusant à lui extirper des informations qui, de surcroît, viennent ajouter encore plus de piment à l'ensemble. Le TVA se verra importuner par une menace grandissante (aussi bien intérieure qu'extérieur) qui risque de l'assiéger à tout moment. Avec à côté un Mobius (toujours susceptible de bouleverser l'ordre des choses) en devenant de plus en plus sceptique par rapport à sa condition actuelle - en tant que représentant du TVA, suite aux révélations qu'il venait plus ou moins d'extirper à Loki. Il finira par lui accorder le bénéfice du doute grâce aux preuves accablantes maintenant en sa possession et qui viennent confirmer la thèse du dieu asgardien, tout en sachant dorénavant que sa vie allait être en danger.
Il sera froidement brouillé (envoyé dans une sorte de purgatoire pour déviants) par son collègue et partenaire la juge, Ravonna. Ce qui va amener notre héro à emprunter cette même voie... Et avec une Lady Loki dans les parages (qui vient de compromettre un chasseur du TVA), cela ne fera que plus corser les choses. Ils seront finalement amené devant l'ultime juridiction du temps où une autre découverte surprenante ! Les attendent.
Qui sont ces fameux gardiens du temps ?
Qui a créé le TVA ? Des questions qui demeurent sans réponse. Puisque ceux qui occupaient l'ultime sphère juridique du TVA n'étaient en fin de compte que des androïdes sans cervelle, donc factice ! Des faux gardiens du temps qui semblent parler au nom de quelqu'un d'autre ou de quelque chose d'autre. Mais qui ou quoi ?
Parfois coincé entre l'enfance et l'âge adulte dans la plupart de ses prouesses narratives, Marvel démontre habilement qu'il sait quand même faire preuve de maturité avec "Loki" quand cela est nécessaire. Et il le fait agréablement bien ! Tout en gardant quelque part cet esprit récalcitrant (incorrigible), comme à son grand habitude de vouloir toujours demeurer fidèle à son enracinement à l'émerveillement enfantine. Et c'est ce qui est assez réjouissant. En plus d'apporter à son récit une dimension (presque) métaphysique, exaltante ! Qui ne fait qu'attiser notre curiosité pour ce bijou télévisuel qui, de par ses perspectives, ne cesse de nous surprendre par la fraîcheur de son concept et ses images saisissantes qui nous invente (au besoin) à explorer toute les richesses thématiques de son œuvre. On se laisse facilement transporter dans ses lieux chargés d'histoires dont chacun regorge de mythes, couplé à cela un scénario habilement tissé, sans jamais perdre l'attention du spectateur, dispose de plusieurs ressorts scénaristiques placées toujours au bon endroit.
La grande force de ce divertissement, c'est qu'elle peut entrer et sortir n'importe où du moment que cela convienne au spectacle. Ce qui nous amène dorénavant à imaginer quant à la continuité de ce nouveau paysage assez rafraîchissant en perspectives, et comment cela pourrait affecter par la suite le MCU. Se démarquant habilement du tarif habituel à Marvel, cette série offre à son personnage un revêtement assez réjouissant, par le biais d'une forme d'initiation qui le place dans la veine super-héroïque, tout en lui donnant un aboutissent fidèle à l'esprit du comics et permet à son personnage d'avoir enfin une vraie identité. Loki passe du statut de méchant complexe à un modèle super-héroïque et se détache enfin de son passé en faisant preuve de beaucoup de maturité ! (avec toujours cette prestance dans son charme). Ce faisant, Marvel réactualise son personnage et en fait une valeur sûre qui a de quoi propulsé encore une fois les attentes du public vers d'autres aventures qui, sur le papier, semblent assez prometteuses pour la suite.
Se détachant allégrement du modèle d'écriture classique, "Loki" séduit et se joue du spectateur en le prenant constamment à revers. Et nous rappelle dans son discours étincellent que personne n'est ni bon, ni mauvais. Car (au fond) on est définit que par nos actes et que la fin justifie toujours les moyens. Il met finalement cette thématique au cœur de ses enjeux, en bouleversant ce dogmatisme de la vision simplifiée du réel (du modèle standard) qui s'empresse très souvent d'esquisser (sans jamais se confondre dans les nuances) les frontières du bien et du mal.
Vivement la saison 02 !