"Comme tous les autres pays, la Suisse est une poudrière, mais ici, il est interdit de fumer." Cette formule de l'immense écrivain suisse, Friedrich Dürrenmatt, pourrait servir d'exergue à cette série. Car, même si fumer est interdit, cela n'empêche évidemment pas certains d'allumer leur clope. Et ça fait une explosion, dans le monde si ordonné et pourtant déchiqueté par les beautés sombres des massifs alpins, dans un monde si propre (le comble du Suisse étant de salir sa propre maison, comme le rappelle Astérix chez les Helvètes). Les quatre épisodes sont magistraux. D'abord, c'est du cinéma suisse, dans la veine d'un Claude Goretta qui lui a donné ses lettres de noblesse avec La dentellière. C'est un cinéma qui aime les acteurs et en exige le meilleur, ce qui change de l'ordinaire cabotin et alimentaire des séries françaises.Tous les comédiens sont excellents. Bien sûr les vedettes: Marianne Basler, Michel Vuillermoz, Carlo Brandt, Dominique Reymond et une Fanny Ardant extraordinaire (j'en oublie). Mais aussi les moins célèbres et notamment les jeunes qui sont tous absolument remarquables. Je voudrais dire à l'auteur d'une critique très négative qui déplore spécialement le manque d'originalité des scénarios que le propos n'est précisément pas l'originalité du pitch, puisque chaque film est en fait une réflexion sur des faits réels qui se sont déroulés en Suisse. L'originalité, elle ne tient pas dans l'histoire (vraie), mais dans la manière même d'y réfléchir, d'ouvrir des pistes, de montrer, sans excès, avec une très grande délicatesse, des psychés diverses, incertaines, tourmentées face à de véritables tragédies. On n'est pas dans le polar, mais dans le tragique. Et tous les épisodes sont d'une grande subtilité, malgré la diversité des réalisateurs. Par ailleurs, je souhaite lui dire que le suicide collectif, même au sein d'un mouvement sectaire, n'est pas "commun"! L'épisode Sirius se base sur les tragédies de l'Ordre du Temple Solaire: 48 morts en Suisse en 1994 (deux suicides collectifs), quelques autres en France et au Québec. Ca interroge sur les mécaniques de l'emprise, non ? L'épisode est très fidèle à la tragédie réelle (aussi s'agissant des costumes au moment du suicide, des conditions matérielles de celui-ci, s'agissant également de l'incendie des chalets). Et le film ouvre justement un espace de réflexion au-delà, ou en-deçà de ce que l'émotion et le sensationnalisme de la presse nous ont fait sentir à l'époque. C'est bien là le projet et la réussite des quatre épisodes de cette série, leur profonde originalité: reprendre des faits divers tragiques comme par en-dessous, dans l'horizon même des protagonistes et, par là-même, d'un apparent paradoxe, transcender le récit simplement dramatique que l'on en a perçu à travers les médias. Ce n'est pas Faites entrer l'accusé !!! C'est la différence entre le drame et la tragédie. Ici on est dans la tragédie et c'est ce qui fait la terrible beauté de ces quatre films. On espère une deuxième saison.