Halloween est un événement qui se fête autant qu’il puisse terrifier dans son imaginaire sordide et sans limites. Netflix ne manque donc pas l’occasion pour alimenter son catalogue, avec toujours plus de diversité, pour rassembler les petits et les grands, autour d’une même aventure. Pourtant, on prendra garde à ne pas laisser la jeunesse s’approcher de ce côté-ci, car elle pourrait bien se brûler la rétine, tandis que d’autres trouveront de quoi égayer leur soirée, en se racontant des contes horrifiques au coin du feu. Guillermo Del Toro nous a donc concocté tout un programme, qu’il veille et introduit, tel « Alfred Hitchcock présente », dans ce ton sinistre, qui ne laissera pas les personnages de chaque épisode anthologique indemnes.
On se gardera donc de trop en dévoiler, afin de maximiser l’expérience, que le cinéaste cache autant sans ses petits tiroirs mentaux que dans des box de stockages, dont il faut redouter les trésors, notamment ceux qui sommeille dans les entrailles d’un monde qui n’appartient plus aux vivants, mais bien aux survivants. Del Toro a beau ne pas être derrière chaque réalisation ou scénario, parfois adapté de Lovecraft et investi d’une aura à la King, lui et ses confrères nous offrent un instant d’une rare jouissance, le temps d’une longue chute et agonie, qu’il convient de partager avec les protagonistes. Les plus attentifs pourront également trouver des similitudes avec d’autres œuvres cinématographiques, qu’elles soient abouties ou non, mais la série fait preuve de minutie dans ses citations, afin qu’elles ne se retournent pas contre ses intrigues, déjà chargées en brume, en obscurité et en créatures en tout genre.
Les artifices seront nombreux pour invoquer le spectaculaire là où on ne l’attend pas forcément. À ce jeu, la plupart des contes convainquent par leur envoûtement, chemisé par une note régressive et relativement ludique dans le cercle vicieux dans lequel les personnages s’engagent. En faisant face à leurs propres vices, la matière visqueuse et autres motifs ténébreux viendront récupérer leur due. Et c’est justement dans la désolation de l’humanité, que l’art se découvre et se trouve maudit par les impuretés qui font d’eux des légendes urbaines, voire des mythes à part entière. Malheureusement, certains récits abusent des détours et ne comptent que sur le charme esthétique pour titiller son public, habitué à la fournaise des premiers épisodes. Il n’y a pourtant pas de mal à revenir dans les méandres les plus intimes et les plus tragiques, mais pas au sacrifice d’une charge émotionnelle, balayée d’un coup de ressort dramatique forcée et inévitablement anecdotique.
Cependant, le plaisir n’est pas à bouder devant une telle audace, celle de croire en un dispositif aussi éphémère et spontané. Cela a nécessité l’aval du cinéaste mexicain pour superviser toute cette galerie de monstres. Lui-même héritier des œuvres fantastiques horrifiques, il porte son « Cabinet de curiosité » avec brio, sans se contenter de briser le quatrième mur ou la quatrième dimension pour justifier cet engouement. La xénophobie, la solitude, le deuil, les apparences et la culpabilité seront sollicités pour alimenter des récits majoritairement captivants, et qui ne privent pas le spectateur de sa dose de frissons annuelle. Cette célébration mérite donc le coup d’œil, à dévorer sans modération.