"Servant", série horrifique produite par un des maitres du genre actuel M. Night Shyamalan, est l'une raisons pour lesquelles je me suis abonné à Apple TV+. J'en attendais donc beaucoup de cette histoire centrée sur la parentalité et le deuil (encore !).
Au départ, j'avoue avoir été sceptique sur le format de dix épisodes d'une demie heure chacun. Je me suis dis qu'il fallait une sacrée bonne intrigue ainsi qu'une atmosphère efficace pour tenir le spectateur de bout en bout. D'autant plus qu'il s'agit ici d'un huis clos tenu principalement par un quatuor de personnages mystérieux. D'un côté on a les Turner, un couple de jeunes parents actif, de notoriété publique et friqué. De l'autre, on a Leanne, jeune provinciale d'une serviabilité suspecte, qui a été choisi pour s'occuper de Jericho, le bambin du jeune couple. Présenté dans une demeure sombre, avec une bande son creepy typique du genre qui annonce la couleur, ce portrait de famille prend une tournure beaucoup plus inquiétante quand on comprend que le bébé n'est en fait qu'une poupée haute qualité qui a permis d'assurer la transition suite à un décès postnatal, servant à maintenir l'équilibre mental d'une maman en plein déni. Cette dernière considère d'ailleurs cette poupée comme son véritable enfant, ce qui accentue considérablement notre malaise. S'ajoute à cette cellule familiale le personnage de Julian, frère de Dorothy la maman barrée, un peu porté sur la boisson et les substances illicites et qui semble être le seul à voir la situation du même oeil que nous. Une fois cette ambiance glauque instaurée, le premier coup de théâtre apparait, lançant alors une longue série d'interrogations sans réponses.
Qu'on se le dise, "Servant" ne fait pas peur. Pas de jumpscare, de victimes ensanglantés ou de démon au visage effrayant. L'horreur est ici beaucoup plus une affaire de suspense, de doute et de mystères irrésolus. On se demande ce qui est vraiment arrivé à Jericho mais aussi quelle est la réelle identité de Leanne ? Au bout d'un moment, comme chaque personnage finit par agir de façon étrange, on est amené à penser qu'ils sont tous fous. Cela dit, le malaise initial se transforme parfois en incompréhension voire même en lassitude car quelques épisodes s'avèrent répétitifs et inutiles au développement de l'intrigue. Fort heureusement, la mise en scène aux petits oignons ainsi que l'interprétation ambiguë des acteurs nous préservent de l'ennui total. J'ai eu un vrai coup de coeur pour Lauren Ambrose que je ne connaissais pas du tout, qui incarne une femme bipolaire, en plein trauma et imperturbable. Face à elle, Nell Tiger Free est plus que bizarre, Tobias Kebbel campe un chef sans palais égoïste et Rupert Grint étonne dans ce rôle pas très avenant.
Sur un fond de sorcellerie, de secte religieuse ou de d'illusion collective, "Servant" interroge sur notre rapport à l'enfant, à la parentalité, au lien affectif entre une mère et son enfant, au deuil et à ses multiples facettes. De ceci découle indubitablement la thématique des traumatismes qui suinte du scénario de Tony Basgallop. Comment gère-t-on une crise ? Une situation apparement insurmontable ? Une chose est sûre, la série nous laisse avec plus de questions que de réponses, ce qui rend le ton et l'atmosphère encore plus palpitants que le mystère lui-même. Non sans humour, et présentant en cuisine des mets plus écoeurants qu'appétissants, on a parfois l'impression que la série perd toute logique ou lien avec la réalité pour rentrer une dimension parallèle, extrêmement étrange et diluée dans dans le temps. Comme un cauchemar, incessamment répété, ou une représentation moderne de l'Enfer...
Même si cette première saison n'apporte pas toutes les clés pour comprendre les tenants et les aboutissants de son récit, elle donne en tout cas l'envie de s'y replonger. On va bien voir ce que la saison deux, qui vient de démarrer, nous réserve...