Hippocrate est la libre adaptation du long-métrage éponyme de Thomas Lilti, sorti en 2014. Ce dernier a d’ailleurs avoué avoir eu l’idée d’une série sur l’univers hospitalier en premier lieu. Le refus de son projet par les chaînes de télévision l’ont finalement conduit à retravailler son concept comme un film de cinéma. Pour autant, Thomas Lilti n’a pas renoncé à son idée initiale. "J’avais envie de raconter encore plus d’histoires sur l’hôpital, l’institution, mais aussi sur ce que c’est d’être un jeune médecin interne, le rapport à la mort et à la vie, les premières responsabilités. Je sentais que j’avais encore plus de choses à raconter.", explique-t-il à AlloCiné.
Le parcours de Thomas Lilti est atypique puisque, fils de médecin, il a lui-même pratiqué le métier de médecin généraliste en parallèle de ses activités de réalisateur et de scénariste, jusqu’en 2016. Pour Hippocrate - le film comme la série -, ce dernier s’est naturellement inspiré de son histoire personnelle, notamment de ses années d’internat, qu’il s’agisse d’anecdotes, de cas médicaux ou même de sentiments, tels que la culpabilité, la responsabilité, l’impunité ou encore l’imposture. Par ailleurs, cette double casquette présente des avantages comme il en témoigne à Madame Figaro : "Ma notoriété, aussi modeste soit-elle, m’aide à obtenir les autorisations de tournage dans les hôpitaux. Les médecins et les infirmières ont compris, grâce à mes films, que j’ai du respect pour leur métier. Même si je pointe les dysfonctionnements de l’hôpital, je ne remets jamais en cause le magnifique rapport du soignant au soigné."
Si la série partage le même univers et le même ton que le film dont elle est tirée, ses protagonistes sont différents. En effet, le long-métrage s’attardait sur un jeune interne, interprété par Vincent Lacoste, tandis que la série met en avant deux protagonistes féminins, incarnés par Louise Bourgoin et Alice Belaïdi. "Pour la série, j’ai eu un plus grand souci de réalisme : aujourd’hui, la moitié des médecins sont des femmes, et 60% des étudiants en médecine sont des étudiantes.", explique Thomas Lilti à Télérama. Toutefois, ce dernier a tenu à garder un personnage d’origine étrangère. Le médecin légiste albanais, campé par Karim Leklou, se substitue ainsi à l’interne algérien joué par Reda Kateb dans le film. "Ce mélange correspond à la réalité de l’hôpital, aujourd’hui. (…) Je tiens à cet élément exogène qui, contrairement à ce qu’on pourrait croire, détient souvent les outils et le savoir. Quand j’étais jeune interne, j’ai beaucoup appris des médecins d’origine étrangère.", raconte le créateur à Première.
Afin de ne pas tricher avec la genèse du projet, Thomas Lilti a choisi de garder le même titre que celui du film pour sa série : Hippocrate. Ce titre fait référence au serment d’Hippocrate, serment traditionnellement prêté par les médecins en Occident avant de commencer à exercer. Il rappelle ainsi aux nouveaux médecins, qu’ils sont liés à des obligations légales, morales et éthiques. Il stipule notamment le devoir envers les patients, ainsi que le respect du secret médical, deux aspect importants de la série.
Thomas Lilti a conçu le générique de la série en accord avec les thématiques et le ton de celle-ci. Ainsi, différentes photographies défilent à une cadence frénétique, mettant en avant le rapport des médecins aux patients, depuis les balbutiements de la médecine jusqu’à nos jours.
La série marque la quatrième collaboration entre le trio Low Entertainment, composé par Alexandre Lier, Sylvain Ohrel et Nicolas Weil, et le créateur Thomas Lilti, après les films Hippocrate, Médecin de campagne et Première année.
Outre la souffrance des patients, Thomas Lilti souhaitait avant tout exprimer celle des internes, qui se retrouvent brutalement confrontés à la mort. "Je me souviens de la fois où, alors que je n’étais même pas interne, j’avais été appelé en pleine nuit pour venir constater le décès d’une vieille dame, très malade, morte dans son sommeil. J’avais 21 ans, il était 2h45, et je devais certifier qu’il n’y avait plus de pouls chez cette personne que je n’avais jamais vue… Ce genre d’évènements fait partie de la vie d’un étudiant en médecine, mais n’est pas anodin !", déclare le créateur à Télérama.
A l’instar de son précédent long-métrage, Première année, Thomas Lilti souhaite mettre en avant une jeunesse engagée, à travers les protagonistes d’Hippocrate. "Souvent on nous la montre désabusée, ne s’intéressant à rien, pas motivée, pas cultivée… C’est faux. La majorité des gens sont passionnés par ce qu’ils font. Ils étudient, ils se ratent parfois, ils ne se découragent pas… c’est ça que j’ai envie de montrer et c’est ça qui est romanesque. Et c’est politique aussi, ça va à l’encontre des idées reçues.", explique-t-il à AlloCiné.
Thomas Lilti est revenu sur la difficulté du tournage qui a duré plus de six mois, au micro de RTL : "A un moment donné, on n’en peut plus physiquement, psychologiquement, de parler de maladies, de la mort, de la souffrance… Même si ce ne sont que des comédiens, même si nous faisons semblant, ça impacte." L’une des actrices principales, Louise Bourgoin l’a en effet confirmé au Figaro Magazine : "Les scènes d’urgences et de réanimation m’ont marqué. Il y a eu des moments où la frontière entre le réel et le scénario s’est brouillée, où on est traversé par des réflexions intenses. Je répondais parfois à des amis : ‘Non, je ne suis pas en état de prendre l’apéro’."
Le tournage s’est déroulé dans l’hôpital Robert-Ballanger, à Aulnay-sous-Bois (93). L’équipe a investi une aile désaffectée de l’établissement, dans laquelle ont été reconstitués les couloirs, les chambres, les services de réanimation, d’urgences et de médecine interne. Une immersion totale pour les comédiens, qui ont également pu s’appuyer sur les expériences de certains infirmiers et aide-soignants venus faire de la figuration.
Afin de préparer les comédiens à entrer dans la peau de leurs personnages, Thomas Lilti a débuté par un temps de lecture relativement long. Ensuite, le créateur leur a proposé un montage de séquences d’Urgences, montrant des actes simulés très techniques, comme un massage cardiaque ou une intubation. Enfin, sur le plateau, il a fait énormément de prises afin que les acteurs répètent les gestes et la technique médicale, encore et encore. Une méthode particulièrement appréciée par l’ensemble du casting. "C’est dans les gestes médicaux que j’ai trouvé la concentration nécessaire pour jouer et me prendre pour un médecin. Thomas est très attaché à la vraisemblance des gestes. Il nous les a montrés et nous a appris à l’imiter jusque dans les détails les plus invisibles à la caméra. Il me reprenait quand des bulles d’air restaient dans la seringue. Quand il me félicitait d’avoir exécuté un geste dans les règles de l’art, j’avais vraiment l’impression d’être un bon médecin. Il nous a traités comme des internes.", raconte Louise Bourgoin au Figaro Magazine.