Série qui a pas mal fait parler d’elle parmi les lycéens et qui en plus aborde un sujet qui m’interpelle tout particulièrement (…car oui, prenez peur : mais « sexe » et « éducation » j’ai beaucoup bossé dessus.), tout concourrait donc pour que je me sorte de mon sommeil sériel pour cette série-là. Et autant dire qu’au départ le réveil fut très rude car – je vais être honnête – je ne savais absolument pas à quoi m’attendre et, clairement, je n’étais pas préparé. Dès les cinq premières minutes, je me suis dit que cette série avait vraiment tout faux. On commence quand même avec une nana en train de chevaucher en amazone un gars. La fille est seins à l’air. Elle un physique et des mensurations de nana de magazine. Et surtout elle gémit comme une actrice porno. Quant au gars, il est taillé comme un athlète et on nous fait ensuite comprendre, en affichant son préservatif, qu’il a une teub de plus de 30 centimètres. Là j’ai dit « Non ». Tu fais une série que les ados matent ; tu décides de l’axer sur l’éducation sexuelle ; et le premier truc que tu décides de faire c’est de confirmer tous les stéréotypes liés à la sexualité ? Non mais ! Pour maintenir les gens dans leurs complexes et dans leur ignorance tu ne pouvais pas faire mieux ! A ce moment là, je me suis même demandé si ça valait vraiment la peine d’aller plus loin tant cette série avait l’air stupide, racoleuse et totalement contre-productive. Et puis au fur et à mesure de l’épisode j’ai fini par comprendre. « Sex Education » avait en fait opté pour un créneau que moi je n’aurais certainement pas choisi mais qui, au regard du public visé, peut se révéler malgré tout pertinent. Ce créneau c’est celui de la série pour ados. (Bah oui, il fallait y penser…) Alors du coup, « Sex Education » va prendre le parti de se dérouler dans le monde irréel et fantasmé d’un village bucolique anglais (mais dans lequel il y a quand-même un lycée), où tout le monde est gentil, heureux, multicolore et pas dans le besoin. Alors OK, il y a bien un personnage qui vit seule dans un petit bungalow en périphérie du patelin mais, franchement, dans ce village arc-en-ciel où il fait toujours beau, autant dire que ça va. On ne s’en fait pas trop pour elle. On a plus l’impression qu’elle fait du camping en vacances plutôt qu’elle expérimente véritablement la dèche. Et si j’ai toujours eu plus ou moins du mal à m’adapter à ce monde là et à ce ton là – où il faut accepter que tous les personnages soient des stéréotypes sur pattes et que chaque situation soit systématiquement simplifiée à l’extrême – je me dois quand même de reconnaître que non seulement ça peut avoir sa pertinence, mais qu’en plus il y a de quoi se laisser prendre. (D’ailleurs j’ai mis 3/5 : je me suis laissé prendre. Pauvre de moi.) Pertinence d’abord parce que, l’un dans l’autre, la série parvient malgré tout à dénouer quelques représentations. Chaque personnage qui « consulte » notre héros résout souvent son problème en déconstruisant une idée fausse, ou plutôt en conscientisant un aspect de la sexualité que notre société a contribué à invisibiliser. Et l’air de rien, bon an mal an, la série parvient à aborder pas mal de sujets et de problématiques de notre temps. Et même si cet abord est toujours très superficiel et enrobé d’un paquet de guimauve, ça a toujours le mérite d’aller dans le « bon » sens. Alors certes, on pourrait se dire que c’est là une consolation bien maigre au regard de tout ce que cette série cherche à nous faire gober en termes de stéréotypes malaisants et d’indigences scénaristiques. C’est vrai. Mais d’un autre côté je trouve intéressant que des approches un peu plus progressistes se mettent à investir des espaces culturels comme ceux-là. Après tout chaque génération d’adolescents a toujours eu ses œuvres basiques dans lesquelles il a projeté un imaginaire fantasmatique. « American Pie », « Dawson », « Friends » : autant de films ou de séries qui déforment et simplifient volontairement le réel pour nous faire nous poêler ou nous émouvoir. Et qu’une série prenne la peine de réajuster les composantes de ces univers totalement fantasmés, notamment afin qu’ils soient davantage inclusifs, au fond moi je trouve ça cool… La blague a même voulu que je me sois laissé prendre. Parce que l’air de rien, au-delà des lourdeurs typiques de ce genre de série, il y a quand même un savoir-faire pour rendre tout cet univers attractif et attachant. Il faut quelques épisodes avant que la faune de cette série se mettre vraiment en place, mais elle finit par avoir son attrait grâce à une mise en dynamique de chacun sur des axes d’intrigue clairs mais qui offrent pas mal de possibilités d’évolutions différentes. De même chacun de ces personnages est souvent ramené à des situations au fond universelles et à hauteur d’humain : dilemmes amoureux basiques, tensions sexuelles mal gérées, choix égoïstes pouvant conduire à de la culpabilisation… Autant de situations qui nous permettent de ramener ces stéréotypes à des formes d’humanité dans lesquelles on peut se projeter. Tout cela mêlé à des épisodes qui savent bien gérer le temps court et le temps long, avec des cliffhangers qui font le job attendu, je me suis donc retrouvé avec une série qui est parvenue à me capter sans trop d’effort. Du coup – et ça me surprend moi-même – j’avoue que cette série a su, malgré ses innombrables limites, s’attirer ma sympathie. OK je ne la conseillerais à personne et je ne pense pas que je me la rematerai un jour. Mais je me dois de reconnaître l’évidence : je me suis amusé à regarder ça avec mes yeux (vieillis) d’ado et, rien qu’en cela, on ne pourra pas retirer à cette série d’être cohérente dans l’univers et le spectacle qu’elle propose. C’est déjà pas si mal. Alors moi, je ne vois pas pourquoi je cracherais là-dessus… Mais bon, ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)