J’ai avalé les trois saisons en 15 jours. Ce fut une belle et agréable surprise. Et attendue dans la mesure où tout autour de moi et la grande majorité de la presse et internautes en disaient énormément de bien. Ce qui n'est pas toujours le cas.
Je ne vais pas m’éterniser car non seulement la série reste en cours mais je crains de ne pas être très original.
Pour commencer, à l’heure où j’écris ces lignes, ça réfléchit pour savoir si une quatrième saison est justifiée. En effet, comme je l’ai lu, les acteurs prennent de l’âge. Il serait bon de prendre une décision rapidement. Entre Otis, Maeve, Aimée, Jackson, Ruby et Adam, ça oscille entre 22 ans et 26 ans ; quant à Eric, il a déjà 29 ans et Lily 30 ans ! Je sais, ils ne les font pas, mais si ça tarde trop, ça va finir par se voir, et il se serait dommage que ça frise le ridicule.
Et puis, on peut bien admettre (du bout des lèvres !) que cette troisième saison conclut la série avec la fin du lycée Moordale, le possible éclatement des élèves et le départ de Maeve pour les States.
Au-delà de l’audace de cette série, le sexe sous tous ces aspects, physiologiques, psychologiques, physiques ; tourmentés, apaisés, hilarants, décomplexés, complexes et complexés ; au verbe cru, choisi, prudent, vrai, sincère, métaphorique, lunaire ; solitaire, à deux ; avoué, introverti, extraverti ; naïf, expérimenté, délaissé, abandonné, dégoûté, violent, traumatisant ; adolescents, adultes ; hétéro, homo, queer, en situation de handicap, il y a évidemment les sentiments avec l’évolution des personnages, et j’ajouterai l’intemporalité.
Pour débuter, je me demande qui est le personnage central de cette série à part le sexe et Moordale ?
Otis ? Maeve ? Adam ? Eric dans un premier temps ?
Aimée, Jackson, Ola, Rahim, Jean, Jacob, Viv, Ruby, Lily, Miss Sands, Hendricks et madame et monsieur Groff dans un second temps ?
Est-il possible de tous les nommer ?
Tous sont plus ou moins personnage central. Je ne sais pas pour vous, mais parfois, je me surprenais de me languir de retrouver tel ou tel personnage après deux trois séquences sans eux. Comme la sensation qu’il n’y avait pas nécessairement de premier rôle. Tous les rôles apportent quelque chose au récit et les scènes de sexe ne sont en aucune façon gratuites.
Petite réserve, ça n'engage que moi : je n'ai jamais aimé les scènes d'amour partiellement habillées, rarement crédibles, surtout au lit ; aux réalisateurs de suggérer, dos et épaules nus, plans rapprochés.
Par exemple, les scènes d'amour de "The L World" sont souvent délicatement filmées ; "Sense 8" avaient des scènes crédibles ; il me semble qu'à la 3ème saison, les réalisateurs de "The Americans" laissent tomber plus souvent le soutien-gorge pour des dos nus sans révéler quoi que ce soit.
Ce qui est extraordinaire dans cette série, c’est l’évolution des personnages.
La grande majorité des séries ont leurs méchants de service, ceux qu’on aime détester, ceux qui vont nous pourrir nos séquences quand ils apparaissent.
Non seulement « Sex Education » ne porte aucun jugement moral, religieux sur la sexualité, mais la série invite le spectateur à revoir son jugement sur certains personnages présentés comme peu sympathiques !
Et à lire les nombreuses réactions, combien sommes-nous à avoir eu des a priori, du scepticisme, de l’irritation, de la colère pour Adam et son père, Ola, Ruby, la mère de Maeve, la mère de Jackson, Viv, la proviseur, Isaac ?
En ce qui me concerne, je n’ai jamais été irrité par Ola ; je n’ai jamais détesté la proviseur, eh oui ! Par contre j’ai détesté Adam, puis j’ai eu des doutes sur sa sincérité, et enfin, j’ai fini par admettre qu’il était sincère. Son poème est un crève-coeur et suis content qu’il ait une passion comme le dressage des chiens et qu’il se rapproche de Rahim.
Je n’ai pas apprécié la mère de Maeve et de Jackson, puis on apprend à les comprendre ; je n’ai pas aimé le père d’Adam puis on finit par ne pas rester indifférent sur son sort, et on comprend que son éviction méritée consécutive à sa morale rigide et le vol du carnet est un passage salutaire pour le révéler sous un autre jour.
« Sex Education » ne tourne pas qu’autour du sexe, il sonde surtout l’âme humaine. Tous les « vilains » personnages finissent par révéler une part lumineuse qui touche le spectateur. C’est tellement évident : seul le coeur définit l’Homme.
Jean a raison : « Le sexe ne nous définit pas ».
Pour autant, Moordale n’est pas un monde de bisounours. Justement parce que les rapports entre hommes et femmes, entre femmes et femmes, hommes et hommes, adolescents et adultes, enfants et parents, binaires et non binaires sont complexes et c’est cette complexité qui est passionnante car "nobody’s perfect !"
Confession : concernant Isaac, je vous avouerai, que je n'ai fait preuve d’aucune indulgence à son égard, pour le moment. Je ne dois pas être le seul. Je n’ai pas du tout apprécié qu’il ait effacé le message d’Otis sur le portable de Maeve.
A ce propos, Maeve partie faire des courses sans son portable, me paraît être une facilité scénaristique maladroite de mon point de vue.
Maintenant, j’ai été très surpris qu’Isaac ait avoué son méfait. Ma rage envers lui s’est estompée. Mais après, je n'ai pas accepté que Maeve tente une aventure amoureuse avec lui comme si de rien n’était. Et encore plus de mal à accepter qu’elle lui présente des excuses pour son comportement, le soir de son départ pour les States !
Un bémol de plus à mettre au débit de « Sex Education » qui balade le spectateur avec cette relation incongrue.
Une mention pour le père d’Eric, d’une sobriété, d’une discrétion et d’un amour pour son fils très émouvant. Le fait qu’il avoue apprendre de son fils m’a énormément bouleversé.
C’est ça « Sex Education », d’une séquence à l’autre, on sourit, on pleure.
Comme cette séquence où Maeve exige pour son anniversaire qu’Aimée porte plainte pour agression sexuelle. C’est puissant.
Sous couvert de la comédie, Aimée encombrée de son gâteau, cette séquence dans le bus est un drame. C’est ça la force de cette série, une comédie où l’on peut s’oublier à sourire sans percevoir le grinçant voire tout bonnement le tragique.
Et les séquences qui suivent voient Aimée ne plus prendre le bus.
Avec « Sex Education » la frontière entre le tantôt on joue, tantôt on ne joue plus est subtilement ténue. Je peux comprendre qu’on n’évalue pas toujours sur le moment la gravité du message. Comme à l’image d’Aimée.
« Sex Education » s’amuse toujours à déséquilibrer le spectateur tant les thèmes abordés sont foisonnants.
Enfin, l’originalité de la série, c’est qu’il est impossible de la situer dans un temps précis. A part le XXIème et encore !
Ainsi, nous avons un lycée anglais qui a tous les aspects d’un campus américain, avec ses casiers ; on y jette les journaux sur les pelouses comme aux States ; la station essence nous dévoile des pompes datant des années 70 tout en affichant du « sans plomb » ; les voitures pourraient donner une indication, les années 90, mais il y a des ordinateurs et téléphones portables qui traduisent plus les années 2010 ; on voit plus de disques vinyle que de CD ; les costumes s’étirent entre le vintage et l’actuel. Quant au lieu même, il y avait très souvent beau temps, les plans larges sur la vallée et la maison des Milburn révélaient souvent un ciel bleu azur dans cette Angleterre anachronique très assumée où il fait bon vivre.
Pour conclure, la saison 3 est un cran en-dessous des deux premières, cependant j’en redemande à m’en péter la panse pour rester poli !
A voir en V.O pour l’accent so british, et plus particulièrement pour la voix de Ncuti Gatwa (Eric) et la diction savoureuse de Gillian Anderson (Jean Milburn).