Je trouve que Dumont s’affirme de plus en plus comme un immense cinéaste, et ce Coincoin ne fait qu’appuyer mon sentiment. A-t-on jamais pris le concept même d’une « saison 2 » aussi philosophiquement, profondément, puissamment au sérieux ? Faire une saison 2 peut-être cela veut dire dédoubler la saison 1, puisque Dumont ne donnera pas de suite à des histoires auxquelles il ne prend même pas la peine de donner une fin, car l’essentiel pour lui n’est pas là. Et si donc donner une saison 2 est dédoubler la première, alors allons-y pour le dédoublement : tout ce que la saison 1 avait de fin et de bien placé sera répété ici jusqu’à ne plus devenir drôle pour ensuite redevenir drôle pour cette même raison comme les cascades en voiture de Carpentier, la facilité avec laquelle le Commandant dégaine son arme, ou encore les aventures extraordinaires de tonton Dany ; d’autres duos apparaissent (le dédoublement, encore), Coincoin/Le Gros, Eve/Corinne ; et le ton de la série est lui aussi comme doublé, deux fois plus comique, deux fois plus tragique, Quinquin n’est plus seulement un gamin raciste il milite carrément au « Bloc » (on pense plus au Bloc Identitaire qu’au FN d’ailleurs), sa copine ne l’a pas seulement quitté celle-ci a aussi changé d’orientation sexuelle, le racisme n’est plus seulement abordé à travers les personnages de Français d’origine étrangère mais à travers la question des Migrants qui sillonnent la région durant toute la série, et le mal qui rôde semble être encore plus fou, il ne s’agit plus de meurtres inexpliqués mais carrément d’une attaque extra-terrestre ! Ce qu’il y a aussi de nouveau pour Dumont, c’est qu’il s’agit là de la première fois que celui-ci reprend une épique d’acteurs et les personnages qu’ils incarnaient dans une de ses créations précédentes, et c’est cela qui rend ce thème du dédoublement possible, car Dumont ne fait pas un film de 3h20 maquillé en 4 épisodes mais bien une série, ce qui l’autorise à tester une nouvelle recette avec les mêmes ingrédients. Je trouve même cela assez émouvant chez lui, on pouvait avoir de lui l’image d’un cinéaste dur et froid, jetant ses comédiens amateurs à la poubelle une fois utilisation faite car ceux-ci ne seraient plus vierges, et aptes à se conformer à ses désirs, et là pour la première fois il reprend les mêmes acteurs, personnages, lieux, c’est un attachement inédit chez lui, comme s’il se livrait ici plus que jamais, et je pense que la saison s’en ressent vraiment, et que ceci n’est pas sans lien avec la force politique évidente qui s’en dégage, Dumont s’adresse ici au spectateur plus directement que jamais. J’ai beaucoup parlé mais je voudrais surtout exprimer à quel point c’est une saison bouleversante, terrible, drôle, barrée, mystique et politique en même temps, du Dumont², avec une des plus belles fins jamais vues de ma vie sur un écran, et assurément pour moi une œuvre qui restera et que l’on continuera de regarder encore et encore pendant longtemps.