Lost est une série qui bizarrement m’est passée sous le nez à l’époque de sa diffusion, les raisons m’échappent, sans doute que je ne regardais que peu la télévision à ce moment là, je ne sais même pas sur quelle chaine elle passait (TF1 je crois ? Si c’est le cas tout s’explique), bref, il m’était dans l’obligation de rattraper mon retard pour enfin me mettre à jour concernant ce format qui a suscité tellement d’engouement et de passion.
Pour prendre les choses dans l’ordre je dirais que les deux premières saisons mettent dans une certaine confiance, la gestion de l’intrigue est excellente et les personnages sont rendus très vite attachants grâce à un développement simple mais efficace (chaque épisode est dédié à un des survivants du crash, enfin du moins ceux qui vont participer à l’action), on apprend à les connaitre et à les intégrer dans notre expérience spectateur. Ce qui est ultra intéressant c’est cette notion de découverte, de petit à petit mettre les pieds dans des endroits inexplorés (enfin pour eux et nous) qui détiennent tant de mystères, toute la partie sur le bunker est passionnante, sans parler du monstre qui se cache dans la forêt, des "autres", du projet Dharma, etc, on ne demande qu’à avancer à travers les branches de ce scénario qui semble si riche. L’autre chose qui fait la différence c’est que tout semble avoir un lien et une corrélation, un puzzle qu’on imbriquerait au fur et à mesure, rattacher les pièces au bon endroit et au "bon moment", l’utilisation des flashbacks et flashforwards fonctionne dans le sens où cela participe à l’organisation d’une sorte de fresque qui rattacherait le réel au paranormal, c’est cette frontière qui captive en haut lieu.
C’est à partir de la troisième saison que la fluidité en prend un coup, déjà car le principal mystère est "détruit" et que la série se trouve de nouveaux objectifs, moins passionnants il faut dire, toute la partie sur l’île secondaire a du mal à apporter une valeur ajoutée et en plus traine en longueur, plutôt que de continuer dans une voie évolutive elle donne l'impression de s’éparpiller dans tous les sens, à l’image de ses personnages. Subsistent ces inévitables cliffhangers qui permettent à l’addiction de perdurer et de garder un minimum d’efficacité, même si c’est une pratique de petit malin ça marche, quelques épisodes hors du continum sauvent les apparences comme Impression de déjà vu (3x08) et Jusque dans la tombe (3x14). La romance naissante (enfin qui se concrétise) entre Kate et Sawyer est également très plaisante car personnellement James fait parti de mes héros favoris de la série (avec Hugo et Charlie), si ce n’est celui que je préfère, il a un peu ce côté Han Solo face à "Jack Skywalker", il a d’ailleurs beaucoup plus de charisme et d’ambivalence que le toubib, je me suis souvent identifié à lui.
La saison 4 est sensiblement à l’image de la précédente, dans une logique d’extrapolation, on rajoute des personnages pour multiplier les intrigues et sous-intrigues, l’impression que les scénaristes meublent est plus ou moins évidente, on s’éloigne un peu trop de ce qui faisait le charme des premières saisons, Benjamin Linus prend une importance omniprésente pas nécessairement utile et agréable, les protagonistes qui ont fait notre bonheur vaquent chacun à leurs petites occupations, loin des yeux loin du cœur, la partie sur le cargo est ennuyeuse à mourir, l’immersion laisse passablement place à une certaine passivité. Cependant l’évocation des paradoxes temporels avec notamment l’introduction de l’énigmatique physicien Faraday relève le niveau, bel exemple de valeur ajoutée pour le coup, même si la saison suivante va allègrement s’en gaver pour jouer sur les concordances passé/présent (avec 30 ans d’intervalle), un joli bordel, mais aimant le sujet des voyages dans le temps j’ai tout de même accroché bien que le scénario s’embourbant tout seul s’ajoute une pression monstrueuse quant à la résolution du contenu global. Mais j’avoue que le plaisir fut tout de même un peu retrouvé.
La dernière saison est quant à elle difficile à juger, rien que par réminiscence la conclusion de la précédente en rapport avec l’introduction de celle ci n’engageait rien de bien rassurant, mix-up entre deux présents alternatifs avec un montage rendu imbuvable, et l’accumulation de pistes continue, comme une pile de dossier qui ne cesserait de grandir, une dizaine épisodes pour répondre à autant de questions c’était déjà mission impossible, il n’y a que le mystère qui entoure Jacob et l’entité noire qui donne satisfaction, et encore c’est réglé à coup de sur-symbolisme biblique manquant quelque peu de finesse, il faut avouer que c’est manichéen à souhait, les morts de certains personnages importants laissent même bizarrement indifférent tellement l’écriture semble être à moitié en roue libre (le passage du sous-marin), de toute manière le charme était rompu concernant certains. Sans oublier ce surplus de deus ex machina qui n’a d’ailleurs cessé de pulluler sur une bonne partie de la série, ok c’est du fantastique, ça n'est pas forcément un format premier degré, mais parfois c’est clairement abusé et ça décrédibilise la mise en scène et l’écriture.
Puis arrive ce fameux final qui a tant fait parler et qui divise les fans, de mon côté j’ai été extrêmement déçu que les scénaristes choisissent de nous bananer de cette manière, enfin j’ai senti le truc arriver depuis un moment à vrai dire mais je ne m’attendais pas forcément à ça, on veut nous faire croire que ce qui compte c’est le message humain, que ces sensations de "déjà-vu" que tout le monde a ressenti un jour ont peut être une histoire cachée, l’existence d’une vie parallèle, d’un sens c’est beau mais d’un autre : quid de l’île ? On l’abandonne comme ça ? Après tant d’énigmes, tant de pistes, tant de thématiques abordées, etc, j’ai du mal à croire qu’on puisse s’en sortir comme ça, c’est très clairement indigne de l’ambition de la série. Je me serais presque cru dans un feuilleton tire-larmes de M6, grossièrement tourné vers les bonnes mœurs pro cul-bénnis plutôt que proposer un aboutissement intelligent comme le reste de la série le laissait imaginer.
Lost reste tout de même à mes yeux une bonne série, d’une richesse scénaristique indéniable avec son lot de personnages séduisants, et malgré les questions sans réponses cela renforce d’un certain sens la mythologie de l’île, son côté sacré et mystérieux, j’aurais aimé en savoir un peu plus mais je l’accepte. J’adhère par contre moins à la boulimie des sous-intrigues, à la mise en scène un peu consensuelle et au rythme fluctuant des saisons. Pour ma part je n'irais pas jusqu'à qualifier cette série de "culte" et/ou d'inoubliable mais elle restera pour sûr une bonne expérience addictive, en tout cas je comprends l'engouement qu'elle aura pu susciter.