Cette série nous narre une histoire qui mêle quotidien ordinaire et expérience interdite, présent et futur, action et conséquence, d'une manière toujours sobre mais inattendue.
Loin de mettre en avant le côté extraordinaire de l'intrigue, Sam Esmail se fait un malin plaisir à rendre ordinaire et banal un fait qui n'a rien de trivial.
Ici, on suit une psychologue qui aide d'anciens soldats américains à s'adapter à la vie civile, dans un centre de soin financé par le gouvernement américain et opéré par un conglomérat privé dont les activités couvrent l'analyse de données jusqu'à la fabrication d'engrais chimiques.
En parallèle des sessions thérapeutiques, on suit une enquête administrative déclenchée par une source anonyme plusieurs années plus tard.
L'enquêteur chevronné va rapidement découvrir des incohérences dans les rapports émis par le centre, ainsi que des malaises quand il essaye de contacter les personnages ayant participé à l'expérience.
Je dois tirer mon chapeau au réalisateur, qui comme dans son oeuvre- phare Mr. Robot, sait mélanger dans une seule scène quelque que chose de sensé et d'insensé, une conversation banale au téléphone, qui décrypte tous les enjeux de toute la série.
Les plans de caméras sont toujours hallucinants, presque aucun réalisateur n'osant utiliser ce type de plan (le flashforward est tourné façon téléphone portable avec image verticale et deux énormes barres noires sur les côtés).
Idem pour les crédits : la scène se termine mais la caméra continue de filmer, il n'y a plus de dialogues, mais les figurants continuent de vivre leur vie, des voitures passent, des gens descendent d'un couloir. Ces derniers plans statiques donnent tout de suite l'impression que le monde est ancré dans la réalité.
J'aime également beaucoup l'usage de la musique, où le réalisateur détourne les effets des drama ou des thriller dans un même plan, avec une musique inquiétante qui se coupe sans crier gare, sans être raccord avec la scène. Le réalisateur joue avec le téléspectateur, et crée un pacte implicite avec celui-ci, signe à la fois de bienveillance et de confiance dans l'intelligence du public.
Une oeuvre originale, qui se fait un plaisir coupable de démonter les ficelles des drama et thriller orientés soap, tout en développant des intrigues haletantes, et donnant à son casting l'occasion de déployer tout leur talent dans des séquences de hautes volées.
Si la série reste un drama lambda sur la forme, elle lorgne très souvent vers le thriller conspirationniste, avec cette corporation tentaculaire qui devrait logiquement être au centre de la deuxième saison (l'arc de Julia Roberts étant terminé).