Je trépignais d'impatience à l'idée de découvrir cette série qui s'annonçait assez atypique pour la plateforme. Une chose est sûre, il faut avoir le jazz dans la peau pour vibrer devant The Eddy qui bat son propre rythme dans des longs épisodes d'environ une heure, chacun centré sur l'un des personnages.
Damien Chazelle, créateur de la série avec Jack Thorne (écrivain qui a co-écrit Harry Potter et l'Enfant Maudit entre autres), se lance dans l'histoire d'un club de jazz en faillite situé à Paris. Suite aux manigances de Farid (Tahar Rahim), l'un des copropriétaires, The Eddy va connaitre un sérieux retour de bâton qui va impacter tous les membres du groupe de musique. Elliot (Andre Holland), ancien pianiste américain à la renommée mondiale et partenaire de Farid, va devoir en payer les frais alors qu'il se retrouve avec son adolescente sur le dos (Amandla Stenberg), venue tout droit des Etats-Unis.
Sans trop rentrer dans les détails de l'intrigue, The Eddy échappe totalement aux clichés de la capitale parisienne "carte postale" pour se plonger dans un cadre réaliste et imparfait. La photographie, portée par une caméra sans cesse en mouvement, a un grain particulier, participant au groove des concerts mais aussi à la vérité sans artifices de ce scénario qui nous parait si concret. D'une salle de concert bondée, on passe naturellement à la cité, puis à une école privée parisienne et à un appartement bordélique... Tout est reliée et connectée au son des notes entrainantes et nerveuses des morceaux de jazz. On sent que l'histoire se greffe autour de ces derniers, véritable coeur battant de la série, et non pas l'inverse. En cela, The Eddy stimule notre curiosité par son rythme très singulier, son intrigue dilatée et ses moments de vie saisissants où la sonorité des cuivres bat son plein !
Mais j'avoue avoir eu un certain temps d'acclimatation. J'ai cru comprendre, en lisant d'autres avis, que je n'étais pas le seul, et même que certains ont lâché avant la fin. Pour défendre la série, et pour vous rendre curieux, je dirai qu'elle surprend car elle ne se révèle absolument pas efficace comme le ferait une autre série Netflix. Elle a son propre rythme, sa propre langue, sa propre façon d'être racontée et de toucher. Alors ça plait ou ça plait pas mais la proposition est franche et se tient sur huit épisodes, sans se laisser tenter par le mélodrame. Et même si le casting polyglotte est assez dingue, et globalement juste (les musiciens ne sont pas comédiens), le jeu reste assez monotone. Il ne faut donc pas s'attendre à des grandes performances mais vraiment à un effet de réel intense. Néanmoins, j'ai beaucoup apprécié le rôle de mère Courage que tient Leïla Bekhti et la relation étouffante entre le père (Andre Holland) et la fille (Amandla Stenberg).
Chaque épisode ayant son moment musical (sans coupes), j'admet avoir trouvé le temps long plus d'une fois et m'être ennuyé. C'est pas une série qui m'a passionné, mais elle a tout de même des ingrédients qui tiennent en haleine, notamment ses personnages. J'ai moins accroché avec le côté règlement de compte de l'intrigue. Par contre, la sphère intime des personnages est bien explorée malgré des dialogues qui nous perdent un peu dans le passage d'une langue à une autre. Donc, si vous êtes du genre à chercher la petite bête et que le manque de rebondissements vous effraie, c'est pas la peine. Mais si le jazz est votre ami, tentez ! Vous pourriez être surpris.