Fauda est une série télévisée israélienne diffusé en 2015, autour de
l'unité de forces spéciales de l'armée de défense d'Israël dont les
membres sont spécifiquement formés à se fondre dans la population
arabe. Il met en scène les conflits israélo-palestinien entre l’armée et le
terrorisme.
Il est intéressant d’analyser Fauda afin de comprendre en quoi cette
série à autant ses défauts que ses qualités. Elle remporte le prix du
meilleur scénario, de la meilleure série dramatique ainsi que 16 autres
prix, preuve de son succès et de sa réussite. Cependant, cela ne veut
pas dire qu’elle soit parfaite.
En effet, cette série manque de recul, il est bien trop difficile de
créer une œuvre sur un conflit lorsque celui-ci reste toujours dans le
contexte actuel. Le fait que les créateurs Lior Raz et Avi Issacharoff
soient de nationalité israélienne, cela les oblige à plonger dans une
subjectivité et à oublier la neutralité dans leur série. C’est le principal
défaut de cette œuvre. Si un spectateur n’a pas la connaissance
nécessaire, alors cette série peut rapidement se transformer en une
sorte de propagande où l’on finit par être pris d’empathie pour le parti
israélien. On pourrait y voir là-dedans, une glorification de l’armée
israélienne.
La mise en scène nous met rapidement dans une situation de malaise :
« L’armée palestinienne est la méchante et tous les palestiniens sont
des terroristes. » Comme le montre le premier épisode de la saison 1 qui
s’ouvre avec la recherche d'un terroriste palestinien qui aurait causé des
centaines de morts, ce qui accorde dès le début le rôle positif à l'unité
israélienne et nous influence inconsciemment.
D’ailleurs, la campagne BDS (Boycott, désinvestissement et sanction)
demande à Netflix de supprimer la série car pour les activistes, la série
est, citons : « une propagande raciste qui sert l'armée d'occupation
israélienne et montre l'agression contre le peuple palestinien ainsi
que le processus qu'il mène pour la libération et l'indépendance ».
En réponse, 50 cadres d'Hollywood signent une lettre de soutien à
Netflix en indiquant que la série donne une représentation nuancée des
problèmes liés au conflit israélo-palestinien et soulève des conversations
difficiles mais importantes en élargissant nos horizons et en nous
permettant d'expérimenter des points de vue différents.
Grâce à l’intelligence du casting, à la réalisation et à la conception, les
palestiniens et palestiniennes dans la série, restent très touchants, et
beaux malgré le vilain rôle qui leur ai donné dans cette série. Ce qui
permet de prendre un petit recul. Il y a du bon et du mauvais dans
chaque « camp » et les réalisateurs ont tenté de garder cette équilibre et
ont évité de rentrer dans le cliché.
En ce sens, la série n'a pas pour vocation de régler le problème ou de
dire où se trouve la vérité et la raison, mais de nous distraire et de
montrer à quel point il est compliqué de prendre parti pour l’un ou pour
l’autre. Elle nous ramène aussi à une réflexion et une prise de
conscience grâce aux scènes relatant des faits réels.
On peut penser que les réalisateurs ont fait le choix stratégique de
donner le choix aux spectateurs de prendre parti ou non. Bien
qu’inconsciemment, il est possible qu’ils aient été tenté de donner raison
à l’armée israélienne sans le vouloir suite au contexte actuel dans lequel
ils se trouvent, il est impossible pour eux d’être neutre et objectif à ce
sujet, bien que l’effort y est et se ressent dans l’œuvre.
La série mérite son succès rien que pour le risque de réalisation qu’elle a
pris. Il est toujours compliqué pour une série d’être complètement
impartiale quand on aborde un tel sujet. Il n’y a aucune facilité, aussi
bien dans le déroulement de l'histoire que dans les choix des
protagonistes. La série nous fait vivre un tourbillon d'émotions dans une
partie du monde tourmentée depuis bien trop longtemps.
Les avis diffèrent beaucoup et les spectateurs ne se mettent pas souvent
d’accord sur le but de la création de la série. D’une part, certains la voit
comme une série permettant de manipuler et de faire croire que les
attaques de l’Israël sont légitimes. La série est régulièrement jugée
comme « minable » et « pathétique ». Pour autant, d’autre en disent le
contraire et la perçoit comme une série distrayante, objective, « un chef
d’œuvre », « une vraisemblance ».
Ce qui est intéressant à mettre en avant est aussi l’évolution des
personnages.
Pour le spectateur, il doit éviter de s’attacher à un
quelconque personnage qui a une intrigue intéressante car son évolution
gagne très généralement une profondeur, une noirceur, ou voire la mort.
Fauda est aussi une histoire de famille et une histoire humaine.
La vie
professionnelle du militaire israélien prend le dessus sur sa vie de famille
l’éloignant petit à petit de sa femme et de son enfant bien qu’il tente le
tout pour le tout pour garder sa vie de famille intacte. Il y a de l’autre
côté, le terroriste qui a une famille qu’il ne peut pas voir.
On peut alors
en tant que spectateur être pris d’attachement à ce personnage pourtant
ignoble et néfaste. Mais la série veut montrer que derrière ces images et
personnages, il y a aussi des êtres qui les aiment et qu’ils aiment. Il est
malheureusement facile de tomber dans cet embrigadement alors que
tout ce que l’on souhaitait était de vivre une vie épanouie et heureuse. F
Fauda montre que le désespoir fait rapidement basculer les gens
vulnérables. La série arrive à montrer le côté humain de ce conflit grâce
à ses personnages attachant qui sont une ligne conductrice nécessaire,
voire, indispensable à Fauda.
L’utilisation du langage est importante dans cette série. Fauda utilise
deux langue dans la version originale : l’hébreux et l’arabe. Ces deux
langues ont un rôle fondamental. Les dialogues prennent alors encore
plus de puissance et de sens. On peut entendre les personnages passer
d’une langue à l’autre. Ce sont deux mondes qui cohabitent avec des
difficultés qui leur sont propre.
La place de la femme aussi joue un rôle très important dans cette
série. Elles sont à la fois actrices et victimes de la guerre. La série
permet aux femmes de s'affirmer en modifiant le cours de l'intrigue.
Mères, épouses et combattantes, elles apparaissent comme perdues
entre leur instinct maternel, le souci de préserver la vie de leurs enfants,
leur relation conjugale ainsi que leurs convictions idéologiques. C’est le
portrait de femmes à l'esprit libre qui, même s'il n'est pas vraiment
représentatif de toutes les situations des femmes actuelles dans le
monde arabe, suscite chez le spectateur une réflexion autour de ce
sujet, dévoilant un possible horizon à leur indépendance et
émancipation.
À côté de ce reflet à la réalité, les réalisateurs ont fait le choix intéressant
de garder un côté fictif afin d’éviter la redondance à la série
. En effet, ils
ont créé deux personnages principaux tombant amoureux l’un de l’autre.
L’une est palestinienne, l’autre est israélien. Se créer alors un amour
impossible et dangereux à vivre, pourtant alors, nécessaire à eux deux
et inévitable. Ce drame permet de faire vivre la série, de sortir (entre-
autre) de ce conflit de guerre et de suivre la vie privée des personnages
permettant aux spectateurs de s’attacher, d’être prit de sentiment. Ils
évoquent alors aussi un autre sujet, la dépendance et l’obsession
amoureuse. Voici encore une autre dimension tragique rajoutée à
l’histoire.
Le découpage technique est lui aussi pensé de façon intelligente et n’est
pas monté de cette manière par hasard. En effet, l’action principale de la
série est réussite en grande partie grâce au montage. Beaucoup
d’événements se passe en simultané et un montage alterné est alors
effectué afin de rythmé les scènes et les actions le plus possible. Il y a
aussi très régulièrement le point de vue palestinien et le point de vue
israélien mis l’un à la suite de l’autre. Le son est tout autant important.
On peut l’entendre comme en opposition. Parfois, le son est presque
inexistant. Aucune musique, aucun bruit pendant plusieurs plans. Puis,
lorsque l’action débute, une musique stridente et inquiétante donne le
rythme à l’action. Très souvent, les plans d’actions sont de nuit ou en
intérieur. L’ambiance est très généralement accompagnée de ton
sombre et froid. On ressent la solitude et l’impossibilité à l’échappatoire
pour le personnage. Il se retrouve seul, face à sa fatalité et son
désespoir. Le choix de rythme et de couleur est pensé afin que le
spectateur vit la scène en s’identifiant au personnage victime de cette
souffrance. Il est donc pris d’intense compassion pour n’importe lequel
des personnages qui en sont victimes, qu’il est le bon ou le mauvais rôle.
Pour finir, il est important de voir cette série pour se donner sa propre
opinion dessus. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de percevoir
l’œuvre et toutes hypothèses et analyses sont intéressantes.
La série à dans tous les cas une part de réussite dans le scénario, la réalisation,
l’objectivité, l’action et le montage. Il est impossible d’en dire le contraire.
Les réalisateurs ont tenté de traiter un sujet délicat sans rentrer dans le
cliché, ce qui est réussi même avec ses faiblesses. Un effort se ressent
tout au long des deux saisons et son succès est totalement mérité. Il
aurait même mérité un succès de plus grosse ampleur.