Terreur qui raisonne !
On n’est pas sérieux quand on a 17 ans. On n’est pas très respectueux de la sécurité nationale non plus. Et c’est Tokyo, planté dans un présent alternatif qui en fait les frais. À la tête d’une organisation terroriste appelée Sphinx, Nine et Twelve vont faire vivre des heures difficiles à la police nationale qui enquête sur le vol d’une bombe nucléaire et sur une mystérieuse inscription : VON. Chaque camp se renforce avec l’arrivée du FBI d’un côté et de Risa de l’autre, jeune fille qui rejoint, malgré elle, les deux malfrats adolescents. Et si toutes les parties prenantes étaient unies par un secret terrifiant et très actuel? Et si les terroristes n’étaient pas ceux qu’on croit ? Et si le réalisateur de TIR (Terror in Resonance) était soudain devenu plus sombre et sérieux ?
Deux jeunes hommes seuls et perdus au milieu d’une cité en ruines. L’image est forte et minimaliste. À l’image du rock progressiste et éthéré des islandais de Sigur Ros. Pas étonnant donc que le réalisateur de Samurai Champloo ait eu l’idée de TIR et d’un monde post-apocalyptique après les avoir écoutés. Couplée aux compositions de la magistrale Yoko Kanno (Cowboy Bebop, Kids on the slope), la musique de TIR rend l’atmosphère cadenassée et oppressante. Pour mieux souligner le désespoir des attentats terroristes qui jalonnent la série.
Pétri de mythologie gréco-romaine, Watanabe puise comme souvent dans la culture européenne. Contrairement à un Miyazaki davantage versé dans un animisme tout japonais, la série parle à un public beaucoup plus large comme l’attestent ces énigmes stimulantes que lancent Nine et Twelve à la police et qui s’inspirent de thèmes antiques. C'est là une des forces d'attraction majeures de l'oeuvre de Watanabe pour le spectateur occidental.
Véritable pot-pourri d’influences diverses (20th Century Boys, Le Caméléon), TIR emprunte également à une palette large de genres cinématographiques : film catastrophe, thriller psychologique, enquête policière, drame familial et courses-poursuites. Avec pour dénominateur commun, un style noir, pessimiste mais toujours captivant.
On pourra regretter le traitement sommaire des personnages et notamment celui de Five - l’ennemie de nos deux poseurs de bombes - tant l’histoire reste à la surface des choses. Plus généralement, la multitude de thématiques et de sujets sociétaux aurait pu trouver une résonance plus aigue sur une vingtaine d’épisodes. Mais n’est-ce pas finalement le message de Watanabe qui ne donne pas sciemment voix au chapitre à ses protagonistes ? « Ce n’est pas vraiment une œuvre pour soutenir le terrorisme, mais sur l’idée que les gens dont l’existence est effacée par l’État peuvent s’exprimer », précisait-il dans une interview récente au Monde, comme pour mieux illustrer l’effacement de ses personnages.
La dernière scène est celle d’une belle rencontre. De deux personnage qui n’ont fait (presque) que de se croiser au fil des épisodes. Le policier en charge de l’enquête se dirige vers un cimetière, signe d’un passé qui le hante et qui ne le quittera plus. Risa part, quant à elle, dans la direction opposée après lui avoir chuchoté à l’oreille la signification du mot islandais « VON » que Nine et Twelve avaient écrit sur le site nucléaire. Les pistes étaient donc brouillées. Pour la police comme pour le spectateur. Watanabe n’est pas un pessimiste décliniste. C’est un optimiste militant. La direction que la jeune fille, comme cette nouvelle génération, a décidé de prendre est teintée d'insouciance. Von, c’est l’espoir...