Cette série est particulièrement surcotée.
Du côté des points positifs, il est possible de noter l'interprétation et la direction des acteurs (actrices surtout), qui jouent toutes une excellente partition. S'agissant de la protagoniste principale, la production a fait le choix de ne pas prendre un canon de beauté mais une femme au physique « normal » et à laquelle il est possible de s'identifier facilement sans que l'on se dise qu'il s'agit d'une énième actrice surfaite made in Hollywood, beaucoup trop loin de nous physiquement pour que l'on puisse imaginer autre chose que de la fiction. La direction de la photographie, la mise en scène et la réalisation sont également soignées, sur certains plans particulièrement. Mais il est facile de jouer avec les couleurs lorsque les personnages portent tous des uniformes. Ce n'est donc pas une gageure. La bande originale est acceptable mais pas inoubliable et assez terne en fin de compte ; il aurait été préférable de recourir parfois à un ou deux airs connus (par exemple des sonates de Chopin ou de Beethoven, sans excès) s'agissant de certaines scènes. Cela aurait donné un certain cachet.
Mais qu'est-ce qui rend cette série si surcotée aujourd'hui ? Plusieurs points, qui relèvent principalement du parti pris idéologique et du scénario. L'intrigue nous propose une dystopie dans laquelle les femmes américaines souffrent de tous les maux possibles et imaginables au titre d'un régime politique oppressif et totalitaire. Il est à parier que beaucoup de femmes occidentales apprécient aujourd'hui ce divertissement car elles n'ont pas eu de grand combat à faire valoir au cours de leur génération. Elles ne se sont pas battus pour le droit de vote, pour le droit de divorcer ou pour le droit d'ouvrir un compte bancaire, faute d'être nées à temps. Elles fondent aujourd'hui leur lutte idéologique sur les seuls éléments qui séparent aujourd'hui en droits les hommes et les femmes : 10% d'écart de salaire dans certaines boîtes et la charge mentale. Ce type de combats manquant singulièrement de superbe, d'éclat et d'enjeu à côté de ceux qui les ont précédés, il leur convient de chercher ailleurs les raisons de leur engagement féministe. Ce sera dans la fiction, et plus particulièrement dans la dystopie, et dans le « plus jamais ça ». Leur mission, celle du siècle, est finalement que les évènements décrits dans la série n'arrivent pas. C'est un combat préventif et non répressif, ce qui ouvre, comme tous les combats préventifs, à tout type de dérives (telles que celles que l'on voit aujourd'hui sur les campus universitaires américains). Ces spectatrices unanimes, d'ores et déjà politiquement convaincues, jouent à se faire peur, à s'imaginer que le danger est à nos (leurs) portes et qu'une telle situation est tout à fait possible et envisageable aujourd'hui, aux États-Unis comme en France, et ce en dépit de toute analyse de bon sens. Par parenthèse, il serait trop complexe et déconcertant de chercher le renouveau de la lutte féministe dans les pratiques de certains des pays en voie de développement et des pays les moins avancés (PMA) ; surtout, cela forcerait à l'introspection et à la culpabilisation, d'autant plus qu'il est davantage aisé de s'identifier à une américaine de classe moyenne d'une série TV, mariée dans le cadre d'un couple mixte et à deux femmes homosexuelles, tout autant instruites, qu'à une jeune éthiopienne qui est sur le point d'être excisée à plusieurs milliers de kilomètres de l'écran de télévision. La vérité est que la série s'affranchit au fur et à mesure de la tutelle nuancée du livre dont elle était originaire pour devenir, à l'instar de toutes celles qui se sont fondées sur l'adaptation d'une œuvre littéraire, un combat manichéen entre les hommes et les femmes (S03E03 par ex.), ponctué d'incohérences de plus en plus visibles (
par ex., le Cdt Lawrence n'est aucunement soupçonné pour l'ensemble des incidents le touchant de près ou de loin, en raison de son pouvoir visiblement ?
). Du point de vue du scénario, plusieurs illogismes, indulgences et stupidités des personnages doivent être relevées. Si les personnages « gentils » effectuent généralement des actes intelligents (en dépit de quelques notables exceptions
comme le fait pour June de rester à Gilead en fin de S02
), il n'en est pas ainsi des personnages « méchants » qui font d'une preuve d'une indicible négligence à l'égard de certaines actions (
par ex., le fait qu'Émily ne soit pas pendue, de même pour June, et il en va également ainsi pour Nick lorsqu'il refuse que le Cdt Waterford sorte de chez lui lorsque l'enfant est enlevé
) tandis qu'ils font preuve d'une répression féroce et aveugle pour les actions des personnages secondaires et tertiaires. Il est à noter également que la série adopte un côté torture porn qui finit par lasser tant elle verse dans l'outrance (en quantité en raison de son étirement sur la durée plus qu'en qualité puisque nous sommes ici bien loin de films voyeuristes de série Z à la Destination Finale ou Saw).
Enfin, le dernier défaut de cette série, mais pas le moindre, est sa lenteur caricaturale. Les épisodes s'appesantissent sur des tranches de vie du foyer familial, tout en longueur et en monotonie. Vous apprendrez tout de la grossesse, de ses étapes, de la maternité, de ses vicissitudes. De l'état d'esprit et des pensées des uns et des autres, des histoires d'amour et de la sentimentalité facile. Tout en pesanteur, le rythme de cette série tue aisément toute motivation chez une personne qui ne souhaite pas assister à des jeux de regard infinis entre personnages peu inspirants.
J'ai regardé cette série dans son ensemble, pour la juger au mieux, et j'en suis sorti peu convaincu.