« Vernon Subutex » c’est l’histoire de la chute d’un ancien disquaire plutôt star dans son petit monde, qui a tout perdu et se fait expulser de son logement, avant que son pote musicien, star bien au delà du petit monde, lui confie son étrange « testament », semé d’une recherche sonore en ondes alphas, pour finalement mourir d’une overdose. Ce mystérieux testament-témoignage nourrit l’intrigue ; on n’en connaîtra pas le contenu avant le dernier épisode. Et c’est sur cet acte et la trame d’une errance et d’un deuil, d’une enquête sordide et d’une très vaste histoire d’amour, multiple, présentée sous presque toutes les formes qu’elle peut prendre dans nos vies contemporaines, avec ses élans et ses freins, dans une société de consommation sur le retour, un patriarcat, un capitalisme, à bout de souffle, entre la violence et les sursauts du cœur, l’individualisme progressif et une musique quasi-permanente qui console comme elle peut, que Vernon Subutex, malgré ses bonnes ondes, va lui-même s’effondrer, à l'occasion voler Marx et le revendre pour « un paquet de chips », tant c’est compliqué de demander de l’aide.
C’est à mes yeux un pur bijou de série française ! Du très bon cinéma sur 9 épisodes. J’ai été saisie mais aussi parce qu’il fallait saisir l’aspect symbolique et BD de ce qui se jouait, la fonction tranchée des personnages. Certaines critiques négatives sont peut-être passées à côté de l’essentiel. Le rythme est bien adapté quand on porte attention aux multiples symboles diffusés ça et là. Je n'ai pas lu la trilogie et je vais m’y mettre car je ne doute pas que la qualité du texte de Virginie Despentes participe pour beaucoup à la qualité de la série. Mais ce que m'a déjà donné à voir la mise en images et en sons de Cathy Verney, c'est ce récit d’un effondrement social plus ou moins sourd ou violent, la cruauté de la "société du spectacle" et une ode à la musique comme tentant de tout traverser, de tout retisser, une ode à l'humanisme à travers ses sursauts parfois silencieux.
Chaque personnage, bien que psychologiquement réaliste représente quelque-chose : Et Vernon Subutex, c'est un disquaire qui à travers le son "cherche un passage" vers l'autre. Le seul moyen qu’il a trouvé de vraiment faire lien, c'est en trouvant le bon son propice à libérer un espace à chacun.
Les acteurs sont tous au moins bons, voire très très bons et sans doute bien accompagnés pour donner naturellement corps, mais Romain Duris interprète ici quant à lui très généreusement un personnage touchant et complexe et la métamorphose de sa chute, vacciné malgré tout un poids social contre la colère, acceptant d’être "vaincu", en deuil et dépossédé progressivement de tout, jusqu’à son blouson et même sa virilité (réf à une scène finale du jet d’eau froide). C'est l'incarnation d'une chute que j'ai vu.
Chapeau !
C'est je crois son meilleur rôle mais je n'ai pas tout vu de lui.
Je vous retranscris le monologue de conclusion, interprété avec une voix qui semble VRAIMENT être celle d’un sdf ravagé par l’alcool et qui résume un tout petit peu tout ça :
« Nous ne serons pas solides, nous nous défilerons ! Nous ne serons pas purs, nous nous faufilerons ! Nous ne serons ni braves, ni droits ! Nous ne serons pas conquérants du bois tordu qui fait l’humanité. Nous ne chercherons pas à faire de l’acier. Nous oublierons, nous pardonnerons. Nous serons les faibles, les doux. Nous n’aurons ni drapeau, ni territoire ! Nous sommes les vaincus, nous sommes des milliers et nous cherchons un passage. »