Maniac (2018) : secrets de tournage

Maniac est l’adaptation d’une série norvégienne éponyme créée en 2014. Toutefois, les créateurs ont pris quelques libertés par rapport à l’originale. "L’idée a tout de suite été de se servir du Maniac norvégien comme d’une simple base de travail. Il nous fallait reconfigurer le concept au lieu de le reproduire avec des acteurs américains. J’ai appelé Patrick [Somerville] pour développer l’univers et les personnages (…) On a modifié le lieu principal de l’action qui se passait dans un hôpital psychiatrique. L’entreprise pharmaceutique donne à l’ensemble une coloration plus science-fiction, satirique, et relativise la folie supposée des personnages.", explique, en ce sens, Cary Fukunaga.

En juin 2016, la société de production Anonymous Content a approché Cary Fukunaga pour lui présenter la série norvégienne originale. Désirant travailler avec Emma Stone, celui-ci l’a contactée et tous deux ont ensuite fait appel à Jonah Hill. Si bien que le projet a fini par être vendu à Netflix avant même qu’un scénariste ne soit encore impliqué. A cette époque, Patrick Somerville vient de terminer une comédie de science-fiction expérimentale intitulée “POTUS Robotus”, sur une intelligence artificielle élue à la présidence des Etats-Unis. Son agent lui mentionne alors que Cary Fukunaga est à la recherche d’un scénariste dans ce registre. Suite à leur rencontre, les deux hommes ont donc commencé à élaborer Maniac ensemble. Après avoir servi comme producteur délégué sur L’Aliéniste, relatant les débuts de la psychanalyse, Cary Fukunaga a entamé une thérapie et lu des articles sur la schizophrénie, tandis que Patrick Somerville s’est appuyé sur les expériences de son épouse psychothérapeute et de son père neurologue.

Si Cary Fukunaga s’est forgé une réputation de partenaire difficile depuis sa collaboration houleuse avec Nic Pizzolatto sur la première saison de True Detective, Patrick Somerville décrit son expérience auprès du réalisateur comme productive : "La télévision n’est qu’une affaire de collaboration, et chacune d’entre elles sont différentes. Entre Cary et moi, ça c’est bien passé. Il est très axé sur les détails, et pour être honnête, ce n’est pas mon cas, mais il y a eu une belle connexion entre nous. On n’était jamais d’accord, et nous avions parfois des idées divergentes sur la façon de raconter l’histoire. Mais nous avons tissé une véritable amitié qui nous a permis de communiquer peu importe les situations, et de ces désaccords nous parvenions à inventer de nouvelles choses." Le principal intéressé assume la genèse compliquée de Maniac, ainsi que la réécriture de certaines intrigues trois mois avant que la série n’entre en phase de production : "Ce n’était pas assez bien. (…) Tout le monde était inquiet. Ca a été dur à budgétiser et à planifier, mais c’était la bonne chose à faire."

Emma Stone et Sonoya Mizuno ont déjà joué ensemble dans La La Land, en 2016. Par ailleurs, le créateur et scénariste Patrick Somerville retrouve le comédien Justin Theroux après The Leftovers.

Après une riche carrière au cinéma, auréolée de l’Oscar de la Meilleure actrice pour La La Land, Emma Stone joue pour la première fois dans une série télé. Deux raisons l’ont convaincu de sauter le pas. Tout d’abord, le message délivré : "Ce que j’ai aimé dans Maniac c’est que (…) l’on voit au fur et à mesure que les rapports humains et l’amour sont les seules choses qui nous aident à avancer dans la vie." Enfin, l’opportunité de pouvoir retrouver Jonah Hill, onze ans après SuperGrave : "Je l’adore. J’ai travaillé avec lui sur mon tout premier film, donc c’était sympa de se retrouver."

La présence de plusieurs personnages japonais et d’un casting diversifié était intentionnel de la part des créateurs. "En cours de route, lorsque Cary et moi fabriquions l’univers de la série, nous avons décidé que Maniac se situait dans une temporalité parallèle à la nôtre, où l’histoire de la technologie se serait déroulée différemment. Donc Neberdine Pharmaceutical and Biotech est une institution japonaise à Manhattan. Une fois que nous avions décidé cela, la structure de l’entreprise et ses employé(e)s sont naturellement devenus des japonais." Un facteur essentiel aux yeux de l’actrice d’origine japonaise, Sonoya Mizuno : "Mon personnage est si intéressant et complexe. (…) C’est génial pour la représentation, que cette personne incroyable s’avère être asiatique mais que ce ne soit pas non plus la seule chose qui la définisse."

Maniac est la seconde collaboration entre la plateforme de streaming et le réalisateur. En effet, Netflix avait aussi diffusé son long-métrage Beasts of No Nation. Pour Cary Fukunaga, la différence fondamentale entre une production Netflix et une production de télévision traditionnelle est la conception d’un projet à portée internationale, et non plus seulement américaine. Par ailleurs, Patrick Somerville souligne la liberté dont ils ont bénéficié quant à leurs choix artistiques : "Lorsqu'on a voulu intégrer des effets spéciaux en animatronique, le procédé phare des années 80, ils nous ont dit, ‘Ok les gars, foncez !’."

Maniac mêle sciemment deux temporalités afin d’aboutir à un univers hybride : New York dans un avenir que l’on devine proche, mais équipé de gadgets futuristes tels qu’on pouvait se les figurer dans les années 80. Le rétro futur étant une façon de brouiller les pistes et d’indiquer d’emblée au spectateur que la série navigue entre plusieurs strates : le rêve, la fantasmagorie, la science-fiction, les hallucinations liées à l’ingestion des pilules… "L’idée était d'emboîter des éléments du quotidien avec des éléments oniriques, et les références à la pop culture servent avant tout d’articulations : elles permettent de faire un pas de côté par rapport à la réalité. (…) Ça a exigé pas mal de brainstorming pour définir chaque détail, quel objets on choisissait de remodeler, quelle forme leur donner, etc. Je dois dire que j’ai avant tout imaginé le rétro futur pour éviter de filmer des gens en train de tripoter leur smartphone. En tant que réalisateur, le téléphone portable m'ennuie au plus haut point.", explique Cary Fukunaga.