La série marque la deuxième collaboration entre les créateurs - et époux à la ville - Baran bo Odar et Jantje Friese. Suite à leur rencontre à la Haute Ecole de télévision et de cinéma de Munich, ils ont notamment écrit et réalisé ensemble Il était une fois un meurtre en 2010, puis Who Am I quatre ans plus tard. Le couple retrouve également les producteurs Max Wiedemann et Quirin Berg, avec lesquels ils avaient déjà travaillé auparavant.
Le projet a vu le jour à l’automne 2015, lorsque Netflix courtisait les scénaristes et réalisateurs allemands Baran bo Odar et Jantje Friese pour lancer sa première série originale allemande. En effet, le succès commercial de leur film d’action Who Am I, sur le monde des pirates informatiques, a tapé dans l’oeil de la plateforme, qui souhaitait en faire une série dérivée. Toutefois, les intéressés ont décliné. "Nous n’aimons pas revisiter nos œuvres et il nous semblait que Mr Robot faisait déjà un travail merveilleux.", confient-ils. En revanche le duo a fouillé dans ses tiroirs pour voir quel synopsis inédit ils pouvaient proposer. "On est tombé sur un ancien projet de série criminelle, inspirée de l’affaire Dutroux, qu’on avait conçu pour la télé britannique.", se souvient Jantje Friese. "Nous trouvions qu’il lui manquait quelque chose jusqu’à ce qu’on tombe dans nos archives sur un récit de voyage dans le temps. Les combiner a été un déclic !".
Après Marseille pour la France, Les Demoiselles du téléphone pour l’Espagne, ou encore Suburra pour l’Italie, Netflix a poursuivi son ancrage européen avec Dark, sa première série originale allemande. Celle-ci a ainsi eu un écho au-delà de ses frontières nationales. Si la co-créatrice Jantje Friese admet que "la création télévisuelle allemande a été au point mort depuis quelques années", elle espère voir cela changer avec des acteurs comme Netflix ou Amazon.
De part son atmosphère étrange et sa thématique autour de mystérieuses disparitions d’enfants, Dark a, dès son démarrage, été comparée à une autre série Netflix : Stranger Things. Si les scénarios des épisodes de Dark étaient déjà finis lors de son lancement, les créateurs Baran bo Odar et Jantje Friese revendiquent des influences communes avec les frères Duffer, à l’origine de Stranger Things. "Comme eux, nous avons été biberonnés à Stephen King, avec Ça et Stand by me. Nos deux séries explorent le malaise des petites villes. Ayant grandi, nous aussi, dans les années 80, cette décennie est notre madeleine de Proust. Qui ne rêve pas de revisiter son enfance ?", Baran bo Odar.
L’esthétique de Dark n’est pas sans rappeler celle de David Lynch. Pas étonnant quand on sait que les créateurs le prennent pour référence et ne jurent que par Twin Peaks. Baran bo Odar, qui a réalisé tous les épisodes, a ainsi particulièrement travaillé la construction de ses plans et les jeux de miroir. Le showrunner s’est également inspiré du photographe new-yorkais Gregory Crewdson, dont les clichés transforment de coquets intérieurs et jardins en visions effrayantes et dérangeantes. "J’ai montré son catalogue à tous mes techniciens.", jure-t-il.
Le tournage de Dark a eu lieu dans la région de Brandenburg, en Allemagne, en grande majorité dans le froid, sous les feuillages et la pluie. A ce titre, le co-créateur Baran bo Odar s’empresse de rappeler la riche tradition des contes de fées allemands et, en particulier, le travail des frères Jacob et Wilhelm Grimm, dont les récits se déroulent souvent dans les vastes forêts du pays. La plupart des scènes en extérieurs ont été tournés à la Fahrtechnikakademie Kallinchen, une ancienne zone d’essais militaires de la République démocratique allemande (RDA), près de Berlin.
La chanson du générique, intitulée "Goodbye", a été composée par le groupe allemand Apparat. Elle avait déjà été utilisée dans de nombreux films, bande-annonces et séries télé, notamment dans l’épisode final de la saison 4 de Breaking Bad. Par ailleurs, la chanson qu’écoute le jeune Ulrich (Ludger Bökelmann) s’intitule "Pleasure to Kill" et est tirée du second album éponyme du groupe de métal allemand Kreator.
Dark suinte d’une noirceur, parfaitement adaptée à son titre, qui a pourtant pris par surprise ses propres créateurs. "On pensait avoir livré une histoire universelle sur la famille, les secrets, les passions et les regrets jusqu’à ce que les journalistes étrangers pointent du doigt une forme d’angoisse existentielle très germanique.", admet Jantje Friese. Et de remarquer: "On ne ressort pas indemne d’avoir déclenché deux Guerres mondiales effroyables, ni tué des millions de gens." Le récit est notamment coloré de souvenirs personnels. La bourgade pluvieuse fictionnelle de Winden est un concentré des nombreuses petites villes allemandes où Baran bo Odar a vécu. La centrale nucléaire rappelle le travail de son père, chimiste dans le domaine de l’énergie atomique. Il n’est pas non plus anodin que l’étape charnière de 1986 corresponde à la catastrophe de Tchernobyl. "Nous étions enfants et nous avons réalisé pour la première fois que l’apocalypse était possible. Nos parents nous disaient de ne surtout pas jouer dehors et d’éviter la pluie.", se souvient le duo.
Depuis longtemps, Baran bo Odar se passionne pour les puzzles temporels. En 2010, il écrit et réalise le thriller psychologique Il était une fois un meurtre, qui raconte les conséquences de deux crimes commis à vingt ans d’intervalle. Ici, Dark s’articule autour de va-et-vient entre trois époques, distinctes de 33 ans chacune : 1953, 1986 et 2019. Les showrunners ont ainsi accumulé les recherches pour construire un univers cohérent, régi par des règles strictes qui ont un fondement scientifique. "On a lu Einstein, sur la théorie de la relativité, sur Stephen Hawkins et sur les trous noirs.", révèle Jantje Friese.
Le tatouage dorsal du prêtre Noah (Mark Waschke) est une représentation de la Table d’émeraude. Il s’agit de l’un des textes les plus célèbres d’hermétisme, un courant religieux et philosophique dont le personnage semble être l’un des adeptes. Datant du IIème siècle av. J.-C., ce texte débat de l’idée selon laquelle les actions, qu’elles semblent importantes ou insignifiantes, sont toutes liées les unes aux autres et s’influencent mutuellement, ce qui est l’une des thématiques centrales de la série. En outre, les théoriciens du complot arguent que la Table d’émeraude est, en réalité, beaucoup plus ancienne, et que son langage pourrait provenir d’extraterrestres ou de voyageurs dans le temps.