Altered Carbon : secrets de tournage

Altered Carbon est adapté du roman éponyme du britannique Richard K. Morgan, paru en 2002, et traduit en France l’année suivante aux éditions Bragelonne, sous le titre "Carbone modifié". Premier d’une trilogie de romans noir de science-fiction cyber-punk, il est notamment lauréat du prix Philip K. Dick. L’auteur a activement pris part au processus de développement de la série à travers une collaboration privilégiée avec la showrunner Laeta Kalogridis. "Il m’a laissé travailler, mais il a lu mes brouillons, on a discuté. On n’était d’ailleurs parfois en désaccord. Les livres sont tout simplement brillants, mais l’univers d’Altered Carbon existait d’une certaine façon dans ma tête et d’une autre dans la sienne. C’est en accordant les deux qu’on a réussi à faire quelque chose à l’écran.", explique-t-elle. Impressionné par le plateau de tournage lors de ses quelques visites, Richard K. Morgan a également tenu à rencontrer les acteurs principaux Joel Kinnaman et Martha Higareda, afin de partager sa vision des personnages.

Particulièrement ambitieuse, Altered Carbon bénéficie d’une équipe expérimentée. A commencer par la créatrice et showrunner Laeta Kalogridis, scénariste de films à gros budgets (Terminator Genisys, Alexandre, Shutter Island…), et productrice déléguée d’Avatar. Enfin, on retrouve Miguel Sapochnik à la réalisation du pilote, notamment connu pour avoir travaillé sur Game of Thrones et avoir dirigé le fameux épisode 9 de la saison 6, "La Bataille des Bâtards".

Longtemps envisagé sous la forme d’un long-métrage par Laeta Kalogridis, Altered Carbon voit finalement le jour grâce à Netflix, quinze ans après que la showrunner ait initialement choisi le roman. Selon elle, sa nature complexe et sa classification restreinte compliquait la vente du projet aux studios de cinéma : "J’avais besoin d’un budget confortable. Or, on obtient rarement un gros chèque pour mettre en scène un récit de science-fiction pour adultes - à moins d’adapter un comic book comme Deadpool."

Pour avoir un meilleur aperçu de l’univers d’Altered Carbon, et comprendre comment l’humanité y est-elle arrivée, un documentaire intitulé "L’histoire de l’immortalité", a été dévoilé par Netflix. Raconté par Neil deGrasse Tyson, celui-ci s’intéresse particulièrement au mythe de l’immortalité d’un point de vue historique, ainsi qu’à la redéfinition de l’identité humaine grâce à l’intervention d’experts. Un propos finalement peut-être plus proche de notre réalité qu’on ne le croit, comme le pense l’acteur principal Joel Kinnaman : "Les changements futuristes proposés par la série pourraient survenir bien plus tôt qu’on ne le pense. La technologie progresse si vite aujourd’hui. Le transhumanisme est inéluctable, il est déjà en marche." Et Laeta Kalogridis de renchérir : "Il y a actuellement des recherches très sérieuses pour détacher notre conscience de notre corps, en le digitalisant. C’est ce que fait en un sens Elon Musk avec Neuralink, qui veut connecter nos neurones à une intelligence artificielle."

Sans toutefois en dévoiler le chiffre exact, Netflix a doté Altered Carbon d’un budget exorbitant, "plus gros que les trois premières saisons de Game of Thrones", selon les révélations de Joel Kinnaman. Une somme impressionnante, à la hauteur des ambitions de la série, notamment pour reconstituer son univers esthétique. "J’ai été impressionné par le faible recours au CGI. Le plateau était d’un réalisme incroyable. J’ai fait quelques gros films mais je n’avais jamais vu ça avant. Il occupait la surface de trois terrains de football. C’était une vraie petite ville, sur trois niveaux, avec des ponts, des appartements, des restaurants de noodles où les gens faisaient véritablement à manger, des marchands de rue, 450 figurants grouillant de partout, et tout cela sous une pluie artificielle. L’immersion était totale." décrit l’acteur principal.

Avec la volonté d’embarquer les spectateurs dans un voyage leur semblant relativement familier, les équipes techniques et créatives se sont surpassées pour donner vie à un univers visuel riche et authentique. "J’ai passé énormément de temps à discuter avec les metteurs en scène et les responsables des décors et des costumes. Le style, les effets spéciaux, l’inventivité visuelle sont aussi importants que le récit. Ils s’influencent l’un l’autre.", confesse Laeta Kalogridis. L’ambiance sombre et humide de Bay City convoque des références assumées, allant du Blade Runner de Ridley Scott, à Ghost in the Shell, Total Recall, Les fils de l’homme, en passant par le cinéma de David Cronenberg.

C’est un long chemin parcouru pour Joel Kinnaman, qui a essuyé quelques échecs au cours de sa carrière : pressenti pour interpréter les protagonistes de Thor puis de Mad Max : Fury Road, il se fait finalement voler la vedette par Chris Hemsworth et Tom Hardy. Néanmoins, le public le remarque surtout dans RoboCop, The Killing ou Suicide Squad, des expériences formatrices pour appréhender le rôle de Takeshi Kovacs dans Altered Carbon. "Ces rôles ont plusieurs points communs. Ils m’ont engagé sur un chemin qui m’a naturellement amener à Kovacs. Mais je le pousse dans une dimension supérieure, à un niveau où je suis capable de faire toutes mes cascades moi-même." confirme l’acteur. En effet, Joel Kinnaman a enduré une préparation physique intense durant six mois afin d’être à la hauteur des scènes d’action. "C’est la première fois que j’ai pris mon rôle de leader au sérieux. Will Smith, sur le tournage de Suicide Squad, a été mon inspiration. Il avait instillé une atmosphère de bienveillance, sans ego. J’ai voulu faire de même." ajoute-t-il.

Altered Carbon se situe dans un futur où les humains peuvent transférer leur esprit d’un corps à l’autre, ce qui est notamment le cas pour le personnage principal, Takeshi Kovacs, qui possède différentes enveloppes corporelles. Un élément qui implique d’être sur la même longueur d’ondes que ses partenaires de jeu. "J’avais l’avantage d’avoir la priorité. Les deux autres acteurs qui jouent Kovacs se sont inspirés de mes manières, de ma façon de parler et de bouger pour rendre le transfert de personnalité crédible. Nous avons eu de très intéressantes discussions tous les trois. Je leur donnais des astuces sur mon jeu." explique Joel Kinnaman. A titre personnel, le comédien a d’ailleurs révélé ce qu’il aimerait faire d’une telle possibilité : "Si j’avais le choix, j’aimerais transférer mon esprit dans le corps de LeBron James. Ses capacités physiques et sa longévité m’impressionnent."

N’ayant pas pu obtenir les droits relatifs à la voix et au visage de Jimi Hendrix, dont Richard K. Morgan a doté l’intelligence artificielle dans son roman, Laeta Kalogridis a choisi une autre personnalité, libre de droits : Edgar Allan Poe. Chris Conner prête alors ses traits à Poe, hôtelier pince sans rire, dont l’établissement Raven Hotel, fait référence au titre d’une des nouvelles du célèbre auteur.