J'ai dévoré cette série très rapidement, ce qui ne signifie pas qu'elle ne m’a pas laissé de goût amer en cours de visionnement et à la fin.
Comme beaucoup de personnes ont pu le dire, la série a un bon fond : dénoncer les abus que les lycéens peuvent subir dans leur quotidien.
Mais le problème c'est que tout est très maladroit. A commencer par les personnages. 13 Reasons Why devient la énième série a nous faire découvrir le lycée américain cliché avec un découpage trop net entre les "cool kids" et les autres. J'étais sceptique avant de commencer le premier épisode, puis je me suis lancé car j'étais intrigué (entre autres par toute la publicité qui en était faite, notamment sur les réseaux sociaux). J'ai accroché tout de suite car le scénario et la narration me paraissaient intéressants.
La technique employée pour raconter cette histoire est inédite. On sait dès le début de quoi il en retourne et pourtant la curiosité l'emporte. Comment Hannah Baker a pu en arriver à un tel acte ? Le spectateur est mis dans une position de voyeur, pris à témoin, en découvrant pas à pas la "vérité" en même temps que Clay.
Le nombre de personnes qualifiant le personnage principal de "drama queen" montre hélas combien la série a manqué son but... Il s'agissait de montrer combien des faits quotidiens trop banalisés (moqueries, harcèlement, solitude, voire agression sexuelle) peuvent mener un adolescent à un état de réelle détresse, au point de se donner la mort. La série annonce une sorte de plongée dans un cycle infernal et donne même souvent l'impression qu'un twist va survenir à la fin. L'idée des 13 raisons expliquées sur des cassettes était également intéressante dans le sens où elle pouvait servir ce crescendo et, bien sûr, le suspense et d’ailleurs par incohérence,
Hannah n'adresse aucun mot pour ses parents alors qu'elle semble très liée à eux.
Malgré toutes ces bonnes intentions, la série tombe à plat. Toutes les raisons évoquées du suicide de la jeune fille se limitent à des faits qui, promettant chaque fois un ouragan, semblent en fait n'avoir qu’une simple brise avec aucune incidence les uns sur les autres, aucune vraie conséquence. Entre chaque fait, tout repart donc presque à zéro jusqu'à ce qu'un nouveau hasard vienne tout chambouler, donnant l'impression d'un empilement un peu grotesque et artificiel de faits plus que d'un effet papillon, c'est a se demander si les personnages ne souffrent pas d'amnésie collective.
Et justement on a très vite du mal à comprendre ce qui fait interagir les personnages entre eux. Tous ceux a avoir été nommés par Hannah se retrouvent à se liguer contre Clay par peur... oui mais de quoi justement ? Une ado loin d'être maline les juges responsables de son suicide et ils se mettent tous a s'imaginer le pire... quand on se penche sur ce qu'elle leur reproche il n'y a pas la moindre profondeur hormis pour un seul d'entre eux. Hannah était peut-être un peu bête,
si on enlève la raison de son viol (Je la comprends totalement pour son viol, je ne souhaite à personne de vivre ça,
mais toute la série ressemble à ça : T'as pas une copie double ? -J'en ai qu'une, désolée. Voici ta cassette.
Pire encore, alors que c'est le fil conducteur de la série et qu'elle en parle tout le temps,
Hannah ne montre aucun signe de dégradation de sa santé mentale avant l'épisode 11 !
Alors que, plus que les faits en soi, ce sont bien leurs effets psychologiques qu'il aurait été intéressant de montrer. Hannah aurait pu perdre confiance en elle, arrêter de manger, ne plus essayer de communiquer avec les autres (ce qui lui arrive seulement à la toute fin)... Ces conséquences psychologiques auraient suffi à donner lieu à de nouveaux évènements crédibles et pertinents (paranoïa, éloignement), au lieu des évènements sortis de nulle part amenés par la série
comme l'accident de voiture
et qui servent plus à faire du spectacle qu'à comprendre les mécanismes qui poussent au suicide. Le résultat est que je
n'ai ressenti aucune empathie pour elle, ou alors, je sais pas si je manque de sensibilité mais je vois que la plupart des personnes ayant vus 13 Reasons Why semble avoir été touchés par la série.
La progression très artificielle de la narration se double d'un suspense lui aussi très artificiel, voir lourd.
Clay qui "n'arrive pas" à écouter les cassettes, les autres qui ne "peuvent pas" raconter ce qu'il y a dessus, etc.) Et puis sérieusement, la réticence de Clay a écouter les cassettes par moment devient pénible. N'importe qui l'aurait fait en une nuit. Mais bon il fallait faire 13 épisodes donc non, il va nous inventer un malaise, un spleen d'ado l'empêchant de poursuivre son écoute.
Résultat : ça n'avance pas et on s'ennuie.
Enfin, tout cela s'articule en un tissu de clichés très impressionnant. J'ai rarement vu une série reprendre autant les poncifs de la plus basique production américaine. On y retrouve aussi le cliché manichéen américain (et la culpabilité relative de Clay n'y change finalement pas grand-chose) des bons (Tony, Clay et Hannah) face aux mauvais ( les autres sur les cassettes), qui ne semblent vraisemblablement pas très infectés par le suicide de leur camarade. Ainsi, les personnages sont tous des caricatures et les situations (
mère étouffante, excuse des devoirs à faire et passage par la fenêtre...)
également. Alors qu'on sent pourtant une volonté de nuancer le rôle des uns et des autres, notamment dans leur culpabilité (y compris Hannah elle-même).
En résumé, une bonne idée de série mais traitée de façon trop lourde et superficielle, un déroulement long et un dénouement décevant... . C'est dommage, car les thèmes abordés sont très intéressants et le concept avait beaucoup de potentiel. En somme, la série est a mon avis surcotée.
Enfin, je dirai que si Katherine Langford n'avait pas un physique si avenant, qui se serait soucié du suicide d'Hannah Baker ? Certes on comprend que cette série veut montrer que le physique n'a qu'un impact limité lorsqu’une personne se sent vraiment mal...mais l'appât est un peu gros. Je ne qualifierai pas cette série uniquement de série pour ados ( enfin presque), mais je pense que l'engouement qu'elle a suscité témoigne de la redoutable manipulation médiatique dont nous avons fait les frais.