Comment ? « Ozark » ou l’histoire d’un homme ordinaire et médiocre qui se retrouve pris dans les rouages du trafic de drogues ? Attendez, mais ça me dit quelque-chose ça… Et cet homme essaye de cacher ce business à sa famille qui se retrouve impliquée malgré elle ? Et c’est l’occasion de faire une peinture acide d’un petit patelin paumé des Etats-Unis ? Ah bah oui ! Effectivement. Plus de doute possible : « Ozark » est bien une série qui entend s’ancrer dans le sillage de « Breaking Bad » ! Alors autant le dire tout de suite : quand on essaye de suivre aussi manifestement une série d’un tel calibre, alors on prend forcément le risque de souffrir de la comparaison. Et – on ne va pas se mentir – il est évident que cet « Ozark » en souffre vraiment beaucoup. Alors certes, Martin Byrde ne joue pas vraiment du même registre que Walter White. Néanmoins il est posé dans la même situation initiale (il n’est pas un grand trafiquant). De même, comme Walter White, sa série le lance dans la même genre de dynamique (c’est-à-dire que le fait de ne pas être un grand trafiquant ne l’empêchera pas d’être plongé dans le grand bain). Or, le problème, c’est qu’à schémas identiques, l’application côté « Ozark » est quand même moins percutante. Déjà la série prend Martin Byrde a un moment où il a déjà cédé, ce qui fait qu’on n’est pas là quand on le voit basculer la première fois du mauvais côté. Certes, la série nous présente cet événement plus tard, mais en termes d’immersion dans la situation du personnage principal, je trouve que ça marche moins bien. Idem, la grande menace – Del – est ici très vite posée. Trop vite pour qu’elle prenne de l’ampleur. Du coup c’est bête mais ces deux éléments d’intrigue font que le premier épisode patine un peu et allèche sans plus. Disons que ce pilote a au moins le mérite de savoir se présenter comme un simple épisode de mise en condition – une simple introduction – et que le vrai cœur du sujet sera pour la suite... Et je dois avouer que, me concernant, ça aurait pu le faire. D’ailleurs, pendant les deux premiers tiers de cette saison, j’étais à un bon niveau « 3 étoiles ». Sans être conquis, j’étais au moins curieux d’aller voir l’épisode suivant. L’air de rien, la mécanique narrative est quand même maitrisée et les auteurs ont su amener suffisamment de personnalité dans les lieux comme dans les protagonistes pour que cette dynamique « rise and fall » sache entretenir l’attention. Et même si chaque épisode nouveau rappelle régulièrement à quel point cette série suit totalement le sillon de « Breaking Bad » (même personnages secondaires qu’on cherche à rendre iconiques malgré leur apparence très ancrée dans l’ordinaire et le commun ; même type de situation qu’on pose comme des pièges inextricables ; même crudité dans la résolution des situations…), malgré tout, l’un dans l’autre, je savais trouver mon compte dans ce « Breaking Bad » light mais honnête… Sauf que… Sauf que, au bout d’un moment, les événements mal maitrisés commencent à s’enchainer maladroitement et là, clairement, l’implication que l’accordait jusqu’alors à l’intrigue à fini à flancher. Et pour moi, le problème tient en deux points : d’abord quelques incohérences ou manques de rigueur, mais aussi et surtout, la multiplication de choix ou de hasards qui arrangent l’intrigue. Et autant je n’ai pas trop envie de m’attarder sur les premiers problèmes parce que, même s’ils sont gênants, ils restent secondaires (
genre : pourquoi Jonah met en place un plan assez compliqué pour s’acheter un flingue alors qu’il y en a plein sa cave ? Et puis avec quel argent il le paye ce gosse ?
), autant je ne peux clairement pas passer à côté des seconds, parce que c’est clairement eux qui m’ont fait sortir de cette saison. Et désolé messieurs les scénaristes, mais vous n’avez manifestement pas compris ce qui faisait la force de « Breaking Bad ». L’une des forces du scénario de « Breaking Bad », c’est qu’on assistait aux efforts considérables de Walter White pour échafauder des plans ingénieux, mais qu’à chaque fois, un aléas malheureux ou l’intervention d’un tiers venait risquer de tout gâcher. Et cette tension fonctionnait d’autant mieux que le plan avait l’air à chaque fois brillant, sans faille, mais que malgré tout le scénario s’efforçait de l’éprouver au maximum. Ainsi, parce qu’on savait que le monde cruel de « Breaking Bad » ne pardonnait rien, on pouvait vraiment craindre pour ses protagonistes et admirer les fois où ils parvenaient à se sortir d’une sale situation. En somme, dans « Breaking Bad », quand tu te loupes, le monde ne te loupe pas. Ce qui veut dire que chaque raté entrainera forcément des sacrifices de la part des protagonistes. Dans « Ozark » c’est tout l’inverse qui se passe. Quand Martin a un super plan et qu’il est soudainement acculé comme peut l’être Walter White, eh bah là, le hasard et les choix des autres personnages deviennent systématiquement salvateurs. Et c’est fou comment cette saison multiplie ainsi les facilités !
Martin a soudainement besoin d’énormément d’argent ? Eh bah – bim ! – soudain un personnage qui a pile la somme accepte de lui confier la somme nécessaire. Et quand ce personnage se rebiffe et veut récupérer ses billes histoire d’apporter un peu de piquant, eh bah c’est un banal accident de la circulation qui règle l’affaire ! Eh oui ! Comme c’est arrangeant ! Et c’est comme ça pour tellement de choses ! Le pasteur va voir les Snell pour faire savoir qu’il a compris leur combine et qu’il refuse d’y participer ? Il devrait être exécuté dans l’instant en toute logique ! Eh bah non ! Les Snell prennent le risque de laisser se balader dans la nature un gars qui ne cesse de montrer qu’il cherche à rester immaculé ! C’est insensé de faire ça ! Pourquoi ne pas le tuer ?! Ah bah oui : c’est parce qu’il devait brûler son église parce que ça arrangeait le scénario ! Et pourquoi ne dénonce-t-il jamais les Snell et les Byrde ? Parce que ça arrange le scénario ! Et pourquoi l’état d’âme revient pile au moment du dernier épisode ? Pourquoi on bute sa femme plutôt qu’on le bute lui ? Tout ça – encore une fois – parce que ça arrange le scénario !
La série ne cesse de jouer avec la logique et le hasard juste pour que ça l’arrange dès qu’elle n’arrive pas à se sortir d’une situation inextricable. Or, pour moi, ça, c’est juste le meilleur moyen pour me sortir de l’intrigue. Autant dire qu’à partir du moment où « Ozark » a commencé à jouer avec sa baguette de magie arrangeante, moi je me suis mis à décrocher. On peut mettre le pauvre Martin sous pression, je m’en fous parce que je sais que le hasard viendra toujours le sauver !
Par exemple, dans le dernier épisode, lorsque Martin est arrêté dans la voiture de Del avec dans son coffre, certainement un cadavre, pour moi il était évident dès le départ que jamais le flic ne fouillerait le coffre ! Pourquoi ? Parce que c’était logique ? Non ! Bien sûr que non ! Aucune logique ne devait empêcher le flic de fouiller ce foutu coffre ! Non – encore une fois – ça n’allait pas se produire parce que ça arrangeait le scénario et c’est tout ! Or, devinez quoi ? C’est bien ce qu’il s’est passé !
Pour le coup, là, plus que du « Breaking Bad » light, « Ozark » est vite devenu du sous « Breaking Bad ». Pire : c’est devenu un mauvais « Breaking Bad ». Et c’est bête, mais les trois derniers épisodes m’ont tellement laissé indifférent que j’ai du mal à m’imaginer en train de regarder la saison 2. En bref, ce ne sera pas encore pour cette fois-ci que Netflix fera une bonne pioche en termes de série… Dommage. Bon après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)