La seconde saison était déjà montée d'un cran, cet ultime volet atteint des niveaux d'intensité comme j'ai peu eu l'occasion d'en vivre ces dernières années. Ce n'est même pas une question de perfection : on peut toujours trouver à redire aux hypothèses imaginées par Eric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon, parfois pour le moins étonnantes, dont certaines proprement inconcevables dans la réalité. Mais c'est justement là que « Baron noir » est une série aussi géniale qu'imprévisible : savoir s'inspirer de l'actualité tout en nourrissant un univers parallèle foisonnant, traçant son propre chemin.
On part ainsi de figures politiques immédiatement reconnaissables pour en faire des « clones améliorés », identique dans les idées mais souvent infiniment plus subtils, notamment dans leur capacité à évoluer, à saisir « l'intérêt général » au détriment de leur intérêt personnel (ce qui, pour le coup, est une énorme différence avec nos politiciens actuels). Surtout, qu'importe que les « prédictions » des créateurs se réalisent ou pas : ce qui compte, c'est l'analyse politique, d'une intelligence, d'une lucidité implacable sur un monde en perdition : repères, idées, clivage gauche-droite ou les hommes eux-mêmes...
À la fois extrêmement dure vis-à-vis de la politique tout en lui rendant un vibrant hommage, cette ultime saison parle d'aujourd'hui, de sa violence constante, du rapport de plus en plus haineux que nous entretenons avec nos dirigeants (sur les réseaux sociaux en premier lieu), le tout filmé comme un thriller, incroyablement dense, chaque nouvel épisode apportant presque une dimension supplémentaire à une histoire déjà très riche (la sous-intrigue allemande exceptée), passionnante plongée au sein d'une gauche en pleine crise identitaire, souvent impuissante face au danger populiste grandissant de façon fort logique.
Dommage, quand même, que certains rebondissements apparaissent vraiment excessifs
(l'empêchement de la Présidente)
, même si le scénario s'efforce constamment de les rendre crédibles, ce à quoi elle parvient presque. Il aurait également presque fallu un épisode supplémentaire tant certains aspects auraient mérité d'être approfondis (quid de l'abstention à la présidentielle ? Les reports de voix et les tractations dans ce sens? Cela va vraiment (trop) vite dans les derniers instants), mais qu'importe tant l'écriture, aussi bien dialogues comme personnages, est exceptionnelle, surtout une fois celui de Christophe Mercier introduit, ayant l'immense force d'être à la fois le grand antagoniste de la saison tout en émettant des vérités difficiles à contredire sur le système, rendant parfaitement plausible l'intérêt grandissant des électeurs pour cette personnalité « anti-système ».
Et comme l'interprétation semble se bonifier au fil des saisons, à l'image d'un Kad Merad exceptionnel, superbement entouré par Anna Mouglalis, François Morel et la révélation Frédéric Saurel, difficile de cacher son enthousiasme devant cette conclusion qui m'aura fait vibrer passionnément, et me plongeant dans une profonde dépression une fois l'ultime générique apparu.
« Baron noir », c'est LA grande série politique française que j'attendais depuis toujours, se bonifiant au fil des saisons pour atteindre les sommets, troisième volet bouclant avec maestria cet indispensable absolu de la télévision. Un mot : merci.