Comme beaucoup, je pense que si j’ai apprécié « Stranger Things » saison 1, c’est surtout pour son charme suranné très années 80 entre « Goonies » et « The Mist ». Franchement à l’époque de sa sortie, je n’avais vraiment rien de plus en dire et à y redire : OK, la série ne reposait essentiellement que sa capacité à remobiliser une esthétique, un univers et des schémas narratifs propres à une époque, mais les frères Duffer avait su faire ça bien, notamment avec une mise en forme vraiment racée et maîtrisée. Une belle réussite donc pour cette première saison, mais avec une question qui se posait déjà avec la fin ouverte qu’il proposait alors : « Et après ça ? Qu’est-ce qu’on peut nous offrir de plus ? » Parce que, bon, c’est bien gentil d’annoncer une saison 2, mais franchement pour mettre quoi dedans ? Cette série ne compte quand même pas reproduire ad vitam sans cesse les mêmes codes avec la même esthétique et les mêmes schémas narratifs ?! Parce que tout le problème à jouer des stéréotypes c’est justement qu’on les connait par cœur, non ?! …Eh bah la saison 2 vient de nous apporter sa réponse à ses brûlantes questions. « Si, on va reproduire ad vitam les mêmes codes. » …Et le pire, c’est que sur trois ou quatre épisodes, j’avoue que – me concernant – ça a marché. Cette saison 2 déploie le même piège pour trentenaires et quadras et je suis retombé dedans, à pieds joints ! Ah c’est si facile de rouvrir tous les cartons des années 80 et d’en tapisser tous les épisodes ! Fringues. Bagnoles. Musiques. Bornes d’arcade. Bah oui mais je me dois bien de l’avouer – une fois de plus – c’est très bien fait. Les frères Duffer ont un vrai sens de la mise en scène et de la plastique. Et comme ils arrivent à développer en parallèle un nouveau pan de leur univers, explorant cette fois-ci un trip assez proche de « The Mist », eh bah je me suis dit que j’étais bien parti pour m’enfiler cette saison 2 avec un certain plaisir coupable… Mais bon, malheureusement, au bout de trois ou quatre épisodes, la dure loi de la logique finit par s’appliquer. A refuser d’innover et à trop vouloir se visser aux stéréotypes narratifs du genre, ce « Stranger Things 2 » finit par s’assécher et perdre toute sa sève. Parce qu’en effet, jouer de la seule fibre nostalgique ça va un temps. Ces personnages et cet univers, il faut savoir les mettre en branle, et c’est sur ce point-là que les frères Duffer se prennent les pieds dans le tapis. Ils sont tellement obnubilés par l’idée de reconstituer tout un décorum tout en respectant les codes du genre qu’ils en oublient l’essentiel : l’inventivité. Et le plus tragique des symboles de ça, c’est comment, progressivement, le fil de l’intrigue finit par laisser de côté les quelques promesses aguicheuses des premiers épisodes (
l’exploration du monde à l’envers avec sa bête à la « The Mist », la maturation d’Eleven en vivant à part avec Hopper, ou bien encore le mystère tournant autour de Max et de son frère
). Toutes ces pistes nouvelles, au fur et à mesure des épisodes, finissent irrémédiablement par rentrer dans les modèles narratifs de la saison 1, quand ils ne s’évaporent pas complètement.
Ainsi on n’explorera rien du monde à l’envers et on ne verra rien de la bête. A la place on va revenir dans ce bon vieux modèle où Dany redevient la victime de service et où maman Wynona va devoir à nouveau s’agiter dans tous les sens pour être en mesure de le sauver. Eleven va de son côté se lancer dans un arc très long, très répétitif et très pauvre qui au final la ramènera à sa position basique de la saison 1, c’est-à-dire à son rôle de meuf du groupe de potes du patelin local. Enfin, pour ce qui est du mystère de Max et de son frère et bah – tadah ! – en fait à la fin on découvre qu’il n’y avait aucun mystère. En somme : bravo les frères Duffer. Celle-ci, vous nous l’aviez jamais faite…
Et encore, tout ça, c’est un peu navrant mais ça aurait pu encore passer si AU MOINS cette saison 2 avait su faire l’effort de s’éloigner des schémas narratifs faciles au profit de quelque-chose d’un peu plus travaillé, d’un peu plus subtil et surtout d’un peu plus profond. Parce que bon, si on résume l’arc central, ça s’arrête vite – après trois ou quatre épisodes – à :
y’a un monstre qui vit dans un réseau de tunnels en dessous de la ville, alors trouvons-le et tuons-le
. Ça veut donc dire que plus de la moitié de la saison va reposer sur cet embryon d’intrigue que tout le monde a plus ou moins déjà vu cent fois ! Cinq épisodes sur neuf à attendre une résolution que tout le monde connait déjà ! Et le pire, c’est que pour meubler tout ce vide, nos chers frères Duffer ont décidé de multiplier les arcs narratifs tous plus stériles les uns que les autres. A ce jeu-là, le champion toute catégorie c’est celui de Jonathan et Nancy. L’intrigue de cet arc avance vraiment à la va-comme-je-te-pousse. Ils passent tous les deux leur temps à prendre des décisions aléatoires dont le sens est plus que discutable et dont l’issue est plus qu’incertaine. Mais ils le font parce que le scénario compte s’appuyer là-dessus pour enchaîner avec d’autres événements (
comme la rencontre avec ce détective barbu totalement insignifiant et dont j’ai déjà oublié le nom
) qui au final ne serviront à rien si ce n’est à les occuper le temps qu’on arrive au grand final ! Et franchement, cette logique, elle peut s’appliquer à pas mal d’arcs : à celui de Dusty et Steve
qui perdent leur temps dans une chasse au monstre qui ne sert à rien
; mais aussi à celui de Caleb et Max
qui perdent leur temps à fuir le vilain Billy qui se révèle au final n’être qu’un simple frangin un peu chiant, mais pas un serial killer en puissance
; et que dire de l’arc assez pathétique dédié au personnage d’Eleven…
Après un trip ultra répétitif à la « Under The Skin », on la retrouve soudainement embringuée dans un clan de super-héros digne d’une série pour ados ! Et tout ça pour quoi ?! Juste pour qu’elle revienne à son point de départ avec un blouson en cuir et du maquillage, puis tout abandonner pour bien reprendre sa place gentiment ?! Non mais la bonne blague !
Alors forcément, je pense que vous aurez compris comment j’ai accueilli le grand final de cette saison 2. Certains ont pris leur pied y voyant un grand aboutissement de film SF d’épouvante – ce que je peux comprendre – mais moi je n’ai pas pu m’empêcher de vivre ce dernier épisode comme la conclusion poussive d’une série qui, obnubilée qu’elle est par la reproduction de codes et de stéréotypes, a fini par se transformer en véritable caricature d’elle-même, avec tout ce que cela implique de triste et d’affligeant. Du coup, moi je vous le dis tout net : ce n’est vraiment pas garanti que je poursuive l’aventure des frères Duffer. Parce que bon, devoir me bouffer une nouvelle dilution d’une sauce qu’on a déjà diluée, moi ce n’est clairement pas ma came. Alors me concernant, je vais remballer tous les souvenirs années 80 dans mon coffre à jouets, et je vais passer à autre chose. Parce qu’au bout d’un moment, à trop tirer sur la corde, la nostalgie, ça devient juste de l’abrutissement… Bon après, ça ne reste que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)