J'ai longtemps hésité à poster des critiques sur Allociné mais cette série m'y pousse inévitablement. Voici l'histoire d'une bande de pré-ados recherchant leur ami disparu, de la mère de ce dernier au bord de la démence, du shérif enquêtant sur le même mystère, du frère du disparu, d'une créature monstrueuse
issue d'un inquiétant laboratoire gouvernemental secret
, d'une jeune fille au passé trouble possédant d'immenses pouvoirs, et j'en passe. Autant de personnages sont autant d'arcs narratifs qui pourraient faire craindre une impression de trop plein mais qui se complètent harmonieusement, grâce à un montage très soigné, pour se rejoindre en fin de saison. La série a d'abord fait parler d'elle en tant qu'hommage aux œuvres 80's, de Spielberg à Carpenter en passant par Dante ou encore les livres de Stephen King. Et en effet les fétichistes de l'époque prendront un malin plaisir à débusquer les 512 (environ, c'est pas une science exacte) clins d'œil par épisode. Cela ne la rend pas hermétique aux autres spectateurs pour autant; étant né à la fin des années 90 je n'ai pas vécu cette décennie, bien que mon enfance ait été bercée par les classiques de l'époque (E.T, Les Goonies,...), et pourtant, si j'y trouve parfaitement mon compte, c'est parce que cette série a l'intelligence d'axer ses références autour de sa narration au lieu d'axer sa narration autour de ses références comme d'autres l'ont fait (J.J Abrams si tu m'entends...). Ici, l'histoire, simple, solide bien que classique, est le nerf de l'œuvre.
Mieux : les Duffer corrigent les erreurs commises sur leur précédente série, Wayward Pines. Il leur avait été unanimement reproché de privilégier un scénario complexe aux rebondissements incessants qui desservaient des personnages, réduits à de simples artifices scénaristiques. Si leur talent de narrateurs n'était alors pas contestable, on avait du mal à s'attacher à leur série. Or, l'attachement est au cœur de Stranger Things. Si le scénario laisse assez peu de temps mort, ce sont les personnages qui sont au cœur de l'histoire, tous plus intéressants les uns que les autres. Plusieurs critiques ont fustigé le manque d'originalité de ces personnages mais c'est tout le principe ! Cette série pourrait être un manuel d'utilisation à bon escient du cliché : les créateurs nous plongent dans un univers connu, créent des personnages identifiables en 3 secondes et se servent de leur talent d'écriture pour les rendre crédibles, leur but n'est pas de déjouer nos attentes, c'est de les renforcer, de ce fait le cliché n'est pas parodié, il est...transcendé !
Enfin, les acteurs sont excellents. On peut d'abord se féliciter de voir des acteurs "à gueule" : pas un physique lisse ou interchangeable, la distribution est loin des standards de beauté outre-atlantique, elle privilégie le charisme des interprètes et ça lui donne un charme fou. David Harbour fait un shérif investi et sensible en toute sobriété, Matthew Modine est un scientifique fou glaçant, Natalia Dyer et Charlie Heaton sont des teenagers assez charismatiques. Un petit bémol pour Winona Ryder qui a tendance a en faire un peu trop dans les premiers épisodes dans le registre de la mère dépassée à la limite de la démence mais on ne peut pas nier une prestation habitée. Mais les perles de ce casting ce sont les enfants. Gaten Matarazzo, Finn Wolfhard et Caleb McLaughlin sont excellents mais surtout il y a Millie Bobby Brown. Dans le rôle d'Eleven cette jeune fille de 12 ans vole la série et compose avec une justesse et une intensité rarement vues de la part d'une si jeune actrice surtout dans un rôle si peu loquace et pourtant central; elle nous fait pleurer d'un frémissement de mâchoire, rire d'un haussement de sourcils et sa prestation atteint très largement les révélations de Natalie Portman dans Léon ou Kirsten Dunst dans Entretien avec un vampire, pour ne citer qu'elles.
Bien sûr la série a quelques défauts. On peut par exemple citer un scénario parfois prévisible ou un antagoniste principal sous-exploité (ce qui, je l'espère, sera rectifié dans une deuxième saison). Mais si cette série mérite 5 étoiles pour moi, c'est parce qu'au delà d'une très bonne exécution formelle, elle a été réalisée jouée, créée, avec une tendresse et un amour qui se transmet immédiatement au public. Ce n'est peut-être pas une série parfaite en tout point mais c'est une série dont on tombe littéralement amoureux. Et c'est cent fois mieux.
PS : la B.O est superbe
(aux premières notes de Heroes, sortez les mouchoirs).