Malaterra est un remake français de Broadchurch, et le résumé devrait vous mettre la puce à l'oreille si vous avez lu ma critique de Broadchurch.
Nathan Viviani, un garçon de 9 ans est retrouvé mort sur la plage de Malaterra, avec des traces de coups. L'adjudant-chef Karine Marchetti (Constance Dollé), veuve, deux enfants, est un peu dépassée par les événements ; et voilà qu'en plus, elle est remplacée par un étranger, le capitaine Thomas Rotman (Simon Abkarian), qui sort d'une affaire de crime non-résolue. Les deux gendarmes vont devoir résoudre l'enquête au milieu d'un village dont chaque habitant cache un lourd secret.
Oui, ce résumé est un copier-coller adapté de celui de Broadchurch. Vous commencez à saisir le problème ?
Malaterra surfe sur le succès de Broadchurch, et compte s'en démarquer parce que la fin et quelques autres détails sont différents.
Certes, mais ces changement-là ne sont pas suffisants. Évidemment que la fin serait différente : la série s'adresse à un public qui a vu Broadchurch, diffusée sur la même chaîne, à la même plage horaire, au même mois il y a deux ans. Or faire une série policière dont tout le monde connaît la fin n'a pas d'intérêt, donc il fallait changer la fin.
Mais il fallait en changer plus : la série suit exactement la même structure narrative que celui de Broadchurch, et les changements avec des acteurs moins charismatiques et un village moins rustique, donc le sentiment de petite communauté est moins présent. Toute la série donne une impression de déjà vu, de copie conforme en moins bien. D'autant que les changements sont plutôt anecdotiques (à part la fin, mais j'y reviendrai) :
La situation conjugale du lieutenant Marchetti (version française de Miller) change, mais sans avoir de conséquences lourdes (à part pour bien persuader les téléspectateurs que le coupable n'est pas le même).
Quant au développement du prêtre, l'acteur a beau être très bon, les différences ne sont que de façade. On a beau nous dire que le prêtre remet en question sa vocation parce qu'il trouve que les églises se vident, le problème était le même dans Broadchurch, et aucun développement différent n'est apporté dans Malaterra (ou du moins rien de bien croustillant).
Quant au changement de sexe de Jack Marshal, bien que l'image d'un Rusard transsexuel soit hilarante, la série n'en tire rien de consistant. L'histoire est toujours la même.
Et pourtant, même Chris Chibnall a loué les choix de Malaterra, ayant déclaré que le choix d'un village corse et une plage de sable noir était un contexte peut-être encore meilleur que le sud de l'Angleterre. La frustration est donc empirée quand on voit le potentiel.
En plus, la série ne manque pas de qualités : les paysages sont magnifiques et les acteurs sont bons, mention spéciale à Constance Dollé et à Guillaume Marquet. Simon Abkarian n'est pas toujours au top (dans le premier épisode, il n'a pas l'air convaincu quand il crie), mais il s'en tire honorablement.
Je pense que le problème principal vient de la réalisation. En effet, elle est moins intimiste, avec des gros plans moins oppressants. Certes, ce serait une bonne manière de se démarquer de l'original, si la série ne s'en trouvait pas banalisée, car la réalisation de Malaterra est la même que n'importe-quelle série TF1.
La France entière était de mon avis jusqu'au Mercredi 9 Novembre 2015 à la diffusion de l'épisode final. Mieux vaut que je donne mon avis dessus.
Je dois dire que je suis agréablement surpris par cette fin : non seulement elle est logique et cohérente, mais le mobile du crime va avec la mentalité villageoise : l'assassin ne voulait pas que sa "fama" (sa réputation en latin) fût ruinée par la révélation de son répugnant secret. D'où le crime (d'ailleurs presqu'involontaire, comme dans Broadchurch). Le râleur que je suis ne manquera pas de chipoter sur le choix d'un proche de Marchetti,
en l'occurence sa mère (c'était le mari d'Ellie dans Broadchurch), mais ce serait de la mauvaise foi.
Le vrai problème est qu'on s'est fait chier pendant huit épisodes pour en arriver là, ce qui réduit grandement l'impact de ce final, malgré ses qualités. C'est un peu le même problème que j'ai avec Usual Suspects : la fin est classe, mais on s'est emmerdé pendant deux heures ! Et c'est encore pire avec Malaterra, parce que là, ça fait huit heures d'ennui profond ! Donc ce final ne rachète rien !
Pour résumer, regardez Broadchurch, c'est beaucoup mieux. Si vous voulez vraiment vous faire une idée sur Malaterra, regardez le premier et le dernier épisode : vous n'aurez rien raté si vous avez regardé Broadchurch, dont j'attends avec impatience la saison 3. En revanche, s'il y a une saison 2 de Malaterra, je ne serai pas au rendez-vous.