Voilà une série dont ma satisfaction fut inversement proportionnelle à la démesure de mes attentes.
Pourtant "Trepalium" possédait tous les ingrédients de la série culte: une esthétique réussie, des plans impeccables, un univers particulièrement immersif. Il y a un véritable travail de réflexion philosophique, c'est pertinent, c'est intelligent et les choix artistiques collaient parfaitement aux messages que la série voulait véhiculer. On ne peut que saluer la mise en scène et l'importance apportée aux détails visuels.
Cela prouve que les productions françaises devraient davantage se diversifier, et investir dans la science-fiction (et pourquoi pas le fantastique?), genre bien trop rare par chez nous, alors qu'on est abreuvé, que dis-je? Empoisonné, Gavé, de séries Policières (nullissimes, soit-dit en passant).
Bref, le fond de l'Histoire et la réalisation technique sont irréprochables. Et nombre de concepts - par exemple: les "emplois solidaires" - sont carrément flippants, tant il sont proche de notre réalité. Pire, il s'agit là du miroir inconscient de notre société.
Mais bordel, que c'est mal raconté. D'abord, les personnages ne manquent pas de personnalité, mais ils manquent cruellement de profondeur psychologique. Ils sont peu attachants, trop prévisibles,pas ambigus. Pourtant certains des personnages principaux connaissent des évènements marquants, voire traumatisants: ça ne leur fait ni chaud ni froid, et ces derniers continuent leur bonhomme de chemin comme si de rien n'était. D'autres commettent des actes malhonnêtes, malsains, parfois effroyables, sans que ça mette leur vie privée en danger et sans que cela n'affecte leur comportement et leurs émotions, alors qu'ils sont censés vivre dans un cauchemar Orwellien ou normalement, tout se sait, même quand tu te fourre discrètement un doigt dans le nez durant la pause wc. Tu es en retard d'une minute dans ton travail: tu es suspect. Des gens disparaissent, on s'en tape. Une "zonarde" prend l'identité d'une employée, même la technologie ultra-pointue n'y voie que du feu. Quelqu'un tue un/une collègue dans le parking d'un bureau ultra-surveillé: tout le monde s'en fout. C'est dire si le scénario est crédible! De plus, j'ai encore quelques difficultés à comprendre comment une série de sf, qui semble tout miser la symbolique visuelle, laisse finalement le soin aux personnages de révéler toutes les intrigues du scénario, dans des dialogues tout pourris, et ce sans aucune subtilité: parfois, ça ressemble à "du grand moment de TF1", et c'est loin d'être un compliment.
Et c'est tout le problème de Trepalium: les dialogues. Tantôt intellectualistes, tantôt surnaturels, ils ont pour seuls buts: soit de révéler au spectateur tout ce qu'il ne sait pas encore, soit de poser une question d'ordre philosophique du genre "et vous, qu'auriez-vous fait?" . Loin de vouloir critiquer le jeu des acteurs (quoique), je pense simplement qu'ils sont mal dirigés. Ou alors, c'est le vocabulaire employé, qui me semble trop théâtral (typique des pièces Théatre de la Comédie Française, qui se prennent trop au sérieux). Les "d'jeuns" parlent comme des "d'jeuns", ou plutôt, comment que les scénaristes croient que les jeunes parlent. Au début, j'ai cru que les "discours monocordes et récités par cœur", étaient volontaires, pour montrer le côté conditionné et formaté des habitants d'Aquaville, mais un doute s'est installé quand je me suis rendu compte que certains acteurs s'exprimaient aussi mal de l'autre côté du Mur ("je joue mal-euh") , On est en 2016, et la pénurie de pellicules fais partie d'une époque révolue: on ne peut trouver des excuses à avoir tourné une seule prise pour chaque scène (si ce n'est l'autosuffisance). L'ensemble finit par manquer de naturel. Et plus le scénario progresse (ou plutôt: régresse), plus on avance dans la médiocrité, pour ne pas dire le simplisme à l'extrême. On se croirait parfois dans une mauvaise pièce de théâtre ou dans un sketch des Inconnus ("quoi? à L'Hôpital Velpeau? Mais qu'ai-je donc fais donc?" -> ce n'est pas tiré de Trepalium, mais on s'en rapproche).
Je vous laisse admirer le dénouement final, tant c'est puant de naïveté et à pouffer de rire ("Facepalm" est le terme qui convient, désolé pour cet anglicisme)
Conclusion: ce n'est pas parce qu'un sujet est sérieux qu'il faut se prendre au sérieux, et il ne faut pas confondre l'ambition et la prétention. Si vous voulez vous faire un excellente réflexion sur le Travail, lisez plutôt les excellents ouvrages d'Albert Jacquart.