En 2015, le Hollywood reporter établit un classement des meilleures séries produites, en se basant sur un panel de 2800 professionnels. X-Files arrive à la troisième place, alors que sa diffusion s'est arrêtée depuis plus de dix ans. Et en dépit d'une qualité s'étant étiolée sur les dernières saisons. Sans oublier le film Régénération, sorti en 2008, qui fut malheureusement peu inspiré et inspirant. Mais rien à faire, le duo d'agents du FBI traquant le paranormal et les complots gouvernementaux conserve un pouvoir d'attraction considérable. Son créateur, Chris Carter, décide donc d'y revenir après l'annulation de sa série post-apocalyptique The After. Il parvient à s'adjoindre les services de James Wong, Glen et Darin Morgan, scénaristes historiques de la série. La Fox se frotte les mains et commande une nouvelle saison de...6 épisodes. Oui, c'est peu comparé aux saisons précédentes qui en comptaient plus de 20 en moyenne. C'est surtout très court pour relancer l'intrigue, faire plaisir aux fans tout en s'adressant aux néophytes. Je diviserai cette saison 10 en deux catégories: les épisodes écrits et réalisés par C.Carter et ceux imaginés par les frères Morgan et James Wong. La raison c'est que l'écart qualitatif entre les deux est considérable.
Je fais partie de ceux qui ont décroché de la partie mythologique à la fin de la saison 5. Selon moi, c'est à partir de là qu'elle devenait inutilement embrouillée et peu cohérente. Au lieu de saisir l'opportunité de corriger les erreurs passées, Chris Carter trébuche lourdement dès l'introduction, baptisée My Struggle (partie 1). Retrouver Mulder et Scully, ça fait plaisir évidemment. Puis le souci pour recontextualiser est là. Mais cette joie est mise à rude épreuve par un script très maladroit, de nouveaux personnages décevants et un rythme frénétique. À l'inverse des premières saisons, qui privilégiaient la rigueur et l'économie pour faire monter la sauce, Carter sombre dans la démesure dès le début de ce revival, rendant ses bases plus que précaires et peinant même à lui donner une réelle ambiance. Un comble pour une série qui a bâti sa renommée sur le soin accordé à son atmosphère. Les choses ne s'arrangent pas avec l'épisode Babylon. Carter a des idées (le duo d'inspecteurs jumeau du couple Mulder/Scully) mais ne sait même pas comment les traiter (comédie ou thriller). Du coup, il passe à côté. Le sujet, pourtant actuel, mène à une résolution des plus pataude et la paire de jeunes inspecteurs manque cruellement de charisme (l'idée d'une éventuelle passation est à oublier au plus vite). Enfin, My Struggle (partie 2) confirme la mauvaise direction empruntée par C.Carter. Les enjeux sont expédiés en troisième vitesse, la tension est peu palpable et le final n'est pas des plus excitants.
Et si on en restait là? Non, ce serait enterrer bien vite cette dixième saison. Car derrière les égarements du Père (Chris Carter), il y a l'affection des pères adoptifs. Avec Home Again, Glen Morgan signe une intéressante variation autour de la figure du golem. On retrouve l'ADN nocturne et sordide de la série, mais également la réflexion sociétale (hypocrisie à l'égard des plus démunis, la portée d'un symbole). De son côté, James Wong revisite le thème des expériences génétiques avec Founder's Mutation. Rien de bien neuf mais Wong parvient à glisser en parallèle une vision touchante de la parentalité avortée de Mulder et Scully. On est clairement pas du niveau d'un Compressions ou La Meute, mais les deux épisodes sont de qualité. Ce qui leur fait défaut est cette volonté d'être lié à la mythologie, ce qui coupe un peu les enquêtes dans leur élan. Reste l'épisode le plus réussi, qui est aussi le plus barré: Mulder & Scully Meet the Were-Monster. En inversant le mythe du lycanthrope, Darin Morgan démontre qu'il n'a rien perdu de son audace quand il s'agit de rire de ses héros ou du monde extérieur. Résultat? La satire marche à plein tube et les acteurs sont au diapason. Là, on retrouve une qualité du niveau des X-Files cultissimes, tels Le Seigneur du Magma ou Le Shérif a les dents Longues.
Bilan mitigé au final. Les appréhensions étaient pleinement justifiées vu que certaines se sont révélées exactes. 6 épisodes, c'était trop peu pour permettre une "renaissance" en bonne et due forme. Les scénarios devaient contenir beaucoup trop de choses, ce qui paradoxalement leur a fait perdre en cohérence. Puis l'incapacité du créateur à revenir aux sources de la réussite des X-Files est plus que gênante. À l'instar d'un George Lucas, Chris Carter semble dépassé par une création qu'il a involontairement écorné. Cette saison a rencontré le succès escompté. Tant mieux. Espérons que ça n'occultera pas ses faiblesses criantes, afin de pouvoir obtenir une saison 11 plus longue, plus crédible et plus incarnée.