Désormais remplacées par les publicités, les speakerines sont les figures emblématiques des débuts de la télévision dans les années 60. Elles avaient pour tâche de présenter les programmes télévisés, en direct et sans prompteurs. Certaines d’entre elles sont devenues de véritables icônes, à l’instar de Jacqueline Joubert, Catherine Langeais, Jacqueline Huet ou encore Denise Fabre. Rappelons également qu’à l’époque, la R.T.F. (Radiodiffusion-Télévision Française) était l’unique chaîne de service public, et seuls quelques 23% des ménages étaient équipés d’un poste de télévision.
Révélé sur le petit écran grâce à son rôle de Renaud Lepic dans Fais pas ci, fais pas ça, Guillaume de Tonquédec est ici utilisé à contre-emploi. En effet, il incarne Pierre Beauval, l’époux rigide et macho de la speakerine vedette, Christine Beauval. Laurent Tuel, le réalisateur, a véritablement dû contrarier la nature souriante du comédien afin de le rendre plus fermé et réservé.
Le tournage de Speakerine a débuté à Paris et en région parisienne. Des scènes en extérieurs ont notamment été prises dans la rue Cognacq-Jay, dans le 7ème arrondissement de Paris. Les derniers jours de tournage se sont déroulés au Radôme de Pleumeur-Bodou, en Côtes-d’Armor, qui a été le siège d’un exploit technique international en juillet 1962, captant les premières images télévisées des Etats-Unis. Cette page de l’histoire des télécommunications est d’ailleurs évoquée dans la série, à travers des images d’archives de cette première transmission.
Le titre de la série est trompeur. En effet, Speakerine renvoie à la figure glamour de cette icône de la télévision. Christine Beauval, incarnée par Marie Gillain, représente la femme parfaite, ayant la vie idéale. Du moins, à ce qu’il paraît. Derrière les apparences se joue également un véritable thriller psychologique comportant des scènes de violence, à commencer par l’assassinat de la speakerine vedette…
Speakerine est un véritable plongeon dans les années 60. Un soin particulier a été accordé à la reconstitution de cette époque, où chaque accessoire et chaque détail a son importance, comme le confirme Grégory Fitoussi dans le making of de la série, réalisé par France 2 : "Je suis très attentif aux chaussures et aux souliers que je porte, parce que ça donne une façon de marcher différente. Ça demande une tenue, une posture."
Afin de mieux rentrer dans la peau de son personnage, Marie Gillain a étudié le phrasé et le débit particulier de jeunes speakerines, grâce à des images d’archives. Catherine Langeais et Denise Fabre l’ont particulièrement inspiré. La première pour son professionnalisme et son charisme, la seconde pour son côté plus doux, son oeil pétillant et une certaine forme de naïveté.
La série aborde également la question du monde de la télévision entre les mains du pouvoir de l’époque. En effet, le contenu du journal télévisé devait être approuvé par l’Elysée avant d’être diffusé à l’antenne. Ainsi, le personnage de Pierre Beauval, interprété par Guillaume de Tonquédec, qui est le directeur de l’information de la R.T.F., possède une indépendance très relative en tant que journaliste. L’acteur est d’ailleurs revenu sur ce point, sur le plateau de l’émission C à Vous : "Il faut remettre les choses en perspective. Aujourd’hui, il y a plein de chaînes, plein de possibilités d’information. A l’époque, il y avait très peu de choses à regarder donc c’était évidemment nécessaire de le filtrer". En l’occurrence, on ne parlait pas de guerre, on parlait des événements d’Algérie. "On a du mal avec notre propre Histoire. En tout cas, celle-là. Donc si on en parle enfin, c’est plutôt une bonne nouvelle", a-t-il reconnu.
Metteur en scène issu du cinéma avec Un jeu d’enfants, Jean-Philippe ou encore Le Combat ordinaire, Laurent Tuel réalise sa première série télévisée avec Speakerine. Il avait néanmoins dirigé deux épisodes de Fais pas ci, fais pas ça et retrouve ainsi Guillaume de Tonquédec.
En développement depuis 2014, Speakerine est d’abord présentée comme un "Mad Men à la française", par les jeunes scénaristes Valentine Milville et José Caltagirone, avec en exergue, la phrase du général de Gaulle : "Un ministère de la femme… Pourquoi pas un ministère du tricot ?". Séduite, par cette réplique, la productrice Charline Delepine a alors proposé à Nicole Jamet et une co-scénariste, Véronique Lecharpy, de reprendre le scénario qui tournait autour de quatre speakerines. Nicole Jamet a choisi de focaliser l’histoire sur une seule et d’ajouter une intrigue policière.
Grâce à Speakerine, Guillaume de Tonquédec réalise enfin son souhait de donner la réplique à Marie Gillain. Le comédien, habitué à la voir jouer au théâtre, l’avait rencontré lors d’un festival à Angoulême, où il lui avait avouer son désir de travailler avec elle un jour. C’est désormais chose faite !