Me voilà bien embêté : comment commencer, en en résumant le contenu comme je le fais traditionnellement , ma critique de la saison 5 du "Bureau des légendes" sans en dévoiler les ressorts ? Les initiés comprendront mon dilemme.
Tout le monde a entendu parler du "Bureau des légendes", cette série produite par Canal plus et réalisée par Eric Rochant. Ceux qui en ont vu les quatre premières saisons, en 2015, en 2016, en 2017 et en 2018, savent déjà tout des aventures de Malotru (Mathieu Kassovitz), de Phénomène (Marina Loiseau), de Marie-Jeanne (Florence Loiret-Caille), orphelins depuis la saison 3 de Jean-Pierre Darroussin et rejoints à la saison 4 par Mathieu Amalric et à la 5 par Louis Garrel. Les autres n'ignorent pas que la série raconte les aventures d'espions français "sous légende" obligés à vivre dans le mensonge pour mener à bien les missions d'infiltration qui leur sont confiées.
Les saisons précédentes nous avaient déjà fait voyager en Iran, en Syrie, en Russie - où Guillaume Dubailly alias Paul Lefebvre alias Malotru s'est retrouvé à l'ultime épisode de la saison 4 en bien périlleuse posture. La saison 5 est tout aussi cosmopolite qui nous fait visiter l'Égypte, le Yemen et le Cambodge. Le problème est que ces sauts de puce sont décousus. Là où les précédentes saisons étaient authentiquement géopolitiques, la dernière a le défaut d'être touristique.
On sent les responsables de la série hésiter depuis qu'Eric Rochant a annoncé son départ : la cinquième saison sera-t-elle la dernière ? faut-il en boucler les arcs narratifs dans un ultime épilogue ? ou en ouvrir de nouveaux pour préparer, si le succès l'appelle, les saisons suivantes ? Du coup, la cinquième saison, le cul entre deux chaises, fait un peu les deux à la fois, sacrifiant quelques personnages secondaires (dont on taira les noms sauf à se faire accuser de spoiler), ouvrant à d'autres un avenir prometteur… Un regret : la quasi-absence de Sara Giraudeau qui a cédé le devant de la scène à Florence Loiret-Caille.
Eric Rochant, donc, a quitté le navire. Il a laissé la direction des deux derniers épisodes à Jacques Audiard, sans doute l'un des tout meilleurs réalisateurs français contemporains sinon LE meilleur ("Sur mes lèvres", "De battre mon cœur s'est arrêté", "Un prophète", "Dheepan"…). La France entière - ou du moins celle qui a la chance d'être abonnée à Canal - retenait son souffle lundi soir avant de les découvrir en exclusivité. Quelle ne fut sa déception ! Il suffit de lire les commentaires assassins sur les réseaux "pas si sociaux" pour s'en convaincre. Il faut dire que Rochant lui avait un peu savonné la planche en bouclant l'intrigue à la fin de l'épisode 8. Il ne restait plus à Audiard qu'à signer un long coda élégiaque, où les frontières entre la réalité et le rêve se dissipent dans l'esprit des principaux protagonistes durablement traumatisés par les 48 épisodes précédents. C'est beau comme un Requiem, sauf qu'on aimait le "Bureau" pour ses accents symphoniques.
PS : Une erreur subtile s'est glissée dans cette critique. L'avez-vous dépistée ?