A l’annonce d’une série biographique sur le reine mère d’Angleterre, l’actuelle Elizabeth II, je ne m’étais pas vraiment enthousiasmé. Me laissant tenter par des critiques élogieuses, au surplus par la distinction toute récente de la série aux Golden Globes, meilleure série dramatique et meilleure actrice dans un rôle principal, je me lance sans aprioris et en ressort passablement éblouis. Que reprocher à la série de Peter Morgan et Stephen Daldry? Eh bien, pas grand-chose. Classieuse, soignée, documentée, précise, cette énième production Netflix casse d’avantage encore les frontières qui séparent cinéma et télévision, des frontières maintenant bien artificielles, floues, au vu de la qualité plastique, esthétique, la démonstration de moyens qui caractérisent The Crown. La reine Elizabeth II aurait-elle droit à ce qui se fait de mieux en matière de biopic, tous supports confondus. Il semble bien que cela soit le cas.
La présence éblouissante de Claire Foy, en retenue, exprimant parfaitement les angoisses, les appréhensions et les motivations d’une si jeune monarque, dans les années 50, propulsée à la tête d’un empire, par la force des choses, force le respect. Il en va de même pour la remarquable, et pas des moindres, interprétation d’un Winston Churchill sur le déclin par John Lithgow. Les deux personnages, bien qu’accompagnés d’une poignée d’acolytes en tous genres, sont les deux pierres angulaires de cette sublime première saison. Il ne s’agit cependant pas d’omettre de saluer la qualité de l’ensemble de la distribution, chaque personnage étant superbement interprété. Un sans-faute de ce côté-là. Evidemment, si les acteurs semblent aussi à leurs aises, c’est que les dialogues, la narration, sont savamment étudiés. Les narrateurs, conscients de l’ampleur de la tâche, du volume de données pouvant être traitées, découpent intelligemment les premières années de règne de sa Majesté, parvenant toujours à maintenir un degré d’intérêt fort pour toutes les intrigues, problématiques, proposées. Narrativement parlant, c’est aussi fort que le casting.
Mais The Crown, c’est aussi une puissante reconstitution des années 50, des intérieurs fastueux dans lesquels évolue cette monarchie. On le sait, tout le monde en parle, la série fait figure de prétendante au record de budget alloué pour le format. Bon usage en a été fait tant la photographie, les costumes, sont impeccables, sont purement cinématographique. Un travail d’orfèvre sur le plan de la mise en scène et encore un excellent point. Musicalement, bien entendu, à l’évocation du nom du compositeur, rien à reprocher à ces vastes mélopées qui rendent bien leurs forces aux images. Un défaut? Eh bien, pour être honnête, je le cherche encore. On pourrait, à la rigueur, argumenter sur le fait que les dix épisodes durent tous une bonne heure et qu’il pourrait arriver que le rythme en pâtisse quelque peu. Mais cela reviendrait à reprocher à Peter Morgan et Stephen Daldry leur application à s’immiscer intimement dans le quotidien de la Famille Royale.
Netflix marque encore un énorme point, signe là encore un succès à la hauteur, pour ce qui est de l’année 2016, de la sublime seconde saison de Narcos, ou encore de la surprise un brin gratuite mais réjouissante que fût Stranger Things. Le géant du VOD marque là les esprits en proposant une série biographique audacieuse, imposante, pour laquelle des moyens colossaux ont été engagés. Mais la conclusion nous enseigne immédiatement que la démarche fût payante, pour notre plus grand bonheur. Pour ma part, il s’agit sans doute là d’une énorme surprise tant je ne m’attendais pas à cette qualité. J’attends donc impatiemment les futures confrontations entre cette reine là et la dame de fer, sa vision de l’indépendantisme nord-irlandais, de la voir vivre le drame de perdre une princesse dans un tunnel parisien. Que je réjouissances. Je n’en demandais pas tant. 18/20