The Young Pope est la première apparition à la télévision de Jude Law depuis un téléfilm anglais diffusé en 1995. Et si elle avait joué dans quelques fictions unitaires, c’est la première fois que Diane Keaton tient un rôle principal dans une série. Les stars françaises ne sont pas en reste, puisque c’est aussi le premier rôle régulier dans une série de Cécile de France, après une poignée d’apparitions en actrice invitée, notamment dans le premier épisode de Dix pour cent mais aussi dans Chez Maupassant en 2007. Quant à Ludivine Sagnier, elle n’avait pas été vue sur le petit écran depuis 2002 et des apparitions dans un épisode de Navarro et la mini-série Napoléon.
Lorenzo Mieli a dû se battre pour lancer The Young Pope. A la base du projet, il y a même une certaine frustration : administrateur délégué de la société de production Wildside n’est pas emballé par deux productions italiennes consacrées au saint Padre Pio et diffusées à la télévision en 2014. Il les trouve trop classiques et sages. Il aborde alors Paolo Sorrentino pour lui proposer de développer une série sur le religieux et la divinité, persuadé que le réalisateur possède le style et le langage capables de frapper l'imagination populaire sur ces thèmes. Quelques semaines plus tard, Sorrentino revient avec quarante pages de synopsis dans lesquelles se trouvent déjà l’essence de la série.
"Il est illusoire de croire que l'Eglise a pris le chemin de l'ouverture et des bras tendus", dit le réalisateur et scénariste Paolo Sorrentino à propos de sa série. De fait, le personnage fictif qu’il a créé, Pie XIII, premier Pape américain de l’Histoire, est tout en paradoxes. Moderne au premier abord : accro aux cigarettes et au Coca Zéro Cherry ; mais aussi tenant d’une religion élitiste et rigoriste. Ce qui n’a pas manqué de faire réagir en France : "Il est le pape de l'impératif, qui fait tout de suite le choix d'une autorité dictatoriale. Cette tendance me fait peur. Elle est le danger principal de toute religion", a déclaré le père Ayliès, prêtre du diocèse de Bordeaux, après avoir vu les deux premiers épisodes.
Paolo Sorrentino a confié qu’il n’avait pas du tout pensé à Jude Law – pas plus qu’à un autre acteur – en écrivant la série. C’est seulement une fois l’écriture terminée que ce choix de casting lui est apparu. En effet, le réalisateur a considéré que l’acteur anglais permettrait d’exprimer les paradoxes du personnage. Sorrentino décrit en effet sa vedette principale comme très beau et insoucieux de sa beauté, enfantin et charismatique à la fois. De quoi incarner un Pape qui se définit lui-même comme une contradiction.
The Young Pope a été présentée en avant-première à la Mostra de Venise en 2016. L’accueil fut pour le moins positif puisque la projection officielle en présence de l’équipe s’est conclue par pas moins de sept minutes d’applaudissements d’un public enthousiaste, annonciateur d’une critique très positive. Avec 953 000 spectateurs de moyenne pour les deux premiers épisodes, Sky Italia a battu son record du meilleur lancement d’une nouvelle série, devant ses autres productions originales comme 1992 ou Gomorra, mais aussi les séries américaines Game of Thrones ou Westworld.
Pour se préparer au rôle, Jude Law a lu la Bible pour la première fois. "J’en avais un peu honte. J’avais lu des passages à l’école, mais très peu", avoue l’acteur. Il explique que cette lecture, ainsi que ses autres recherches sur la place de la religion dans la société moderne, l’ont éclairé, ému et inspiré. Il ajoute aussi qu’il a parfois été horrifié et choqué. Cette préparation a mis l’acteur en condition pour un rôle exigeant : le comédien a du mémoriser une très grande quantité de dialogues, en anglais, mais aussi en latin.
La série s’autorise une part d’humour dans les rapports humains et les situations, en introduisant une dose d’absurde. Ainsi, un kangourou, cadeau offert au Pape, gambade dans les jardins du Vatican. Une dimension que Paolo Sorrentino assume parfaitement. "Il y a un caractère comique dans les rapports des personnages, que ce soit entre les cardinaux ou entre la curie et le pape et il n'y avait aucunement besoin de forcer le trait", explique-t-il. "Le temps libre, chose qui ne manque pas au Saint-Siège, est une source intarissable d’ironie."
The Young Pope est l’histoire d’un homme seul face au pouvoir et à Dieu. Un thème qui traverse toute l’œuvre de Paolo Sorrentino. "Je suis fasciné par la grandeur et la misère de la solitude. Tous mes films racontent l'histoire d'hommes ayant choisi de vivre seuls", dit-il. Une obsession qui trouve sa source dans un drame fondateur. A 17 ans, le jeune Paolo Sorrentino refuse de partir en week-end avec ses parents dans la maison de campagne familiale. Ils y meurent, victimes d'une explosion de gaz. Sorrentino devra faire face à sa nouvelle condition d’orphelin, qu’il exorcisera dans ses récits.
Paolo Sorrentino aurait aimé pouvoir tourner la série au Vatican. Mais il était impossible pour ce projet d’obtenir les autorisations des autorités religieuses. Il a donc fallu le reconstituer. La chapelle Sixtine s’est dédoublée dans les studios de Cinecittà. La Villa Doria Pamphilj ainsi que la Villa Médicis ont aussi été utilisées pour figurer la cité Etat. Loin de se limiter à Rome, le tournage fut d’ailleurs un périple qui a emmené les équipes à Venise, Los Angeles et en Afrique du Sud.
La scène d’ouverture voit le Pape surgir de sous une montagne de bébés. Une vision onirique et saisissante issue d’un rêve du nouveau Pape. Pour le réalisateur, c’est aussi une note d’intention. Il souhaitait en effet offrir des moments intenses et surprenants pour fixer un souvenir durable dans l’esprit de ses spectateurs. Selon Paolo Sorrentino, ce genre de morceaux de bravoure manque aux séries. "Autrefois, dire qu'un produit était télévisuel avait quelque chose de péjoratif", explique-t-il. "Ce n'est plus vrai. La télé m'a obligé au contraire à une tenue narrative plus rigoureuse et à des dialogues plus serrés et plus synthétiques’."