Kingdom ne parait pas à première vue un choix de titre heureux, avec cette histoire de famille et de combat de Mixed Martial Arts (MMA). Pourtant il se révèle des plus judicieux. La série narre le quotidien de la famille Kulina. Alvey (Frank Grillo) est le patriarche gérant un club de MMA avec sa petite amie Lisa (Kiele Sanchez). Il est le père de Nate (Nick Jonas) jeune espoir et de Jay (Jonathan Tucker) un talent gâché par une hygiène de vie plus que douteuse. La série commence quand Ryan Wheeler (Matt Lauria), ancien champion de l’écurie et amour de Lisa, sort de prison après quatre ans.
Le royaume du titre, c’est l’univers d’Alvey, l’octogone, la salle. Il a son petit bureau avec ses médailles et ses vieux souvenirs. Nombreuses sont les scènes où on le voit assis dans son antre, sur son trône, à attendre, à douter. Son univers est en déréliction. Il est un roi qui perd de son emprise, de sa superbe et qui en vient à tout remettre en question. Kingdom va suivre Alvey et son clan, parler de famille, d’héritage, de combats aussi bien intérieurs que physiques, en laissant petit à petit s’installer la rage et le désespoir de ces êtres tous aussi imparfaits qu’attachants. Il y a de la vie dans les personnages et l’univers de Byron Balasco, le showrunner, qui avait officié sur la très belle (et très courte) Detroit 1-8-7.
Kingdom peut être aisément affiliée avec des séries comme Friday Night Lights ou Southland. Surtout la première pour la relation entre le sport et les êtres, l’importance qu’il revêt quand il ne reste que cela pour subsister. On y retrouve cette exacerbation des sentiments, une force dans la mise en scène et les dialogues qui frappent toujours très fort, même quand les personnages ne sont pas sur le ring. Le royaume, c’est le ring, mais pour les Kulina et Ryan Wheeler, le monde est une arène.Invoquant Rocky, Warrior ou la très belle série Lights Out, Kingdom ne se démarque pas dans l’évolution de son scénario ou sur l’originalité de ces histoires familiales, mais uniquement dans un univers du MMA pas encore abordé en série et dans cette mélancolie qui s’installe, lentement, avec un personnage filmé en contre-jour, ou une rage contenue qui ne demande qu’à exploser.
Comme Southland ou Detroit 1-8-7, il y a une façon de filmer la ville (Los Angeles ici) qui accentue l’immersion, qui élève la cité au rang de personnage à part entière. Les rues semblent labyrinthiques, mal famées, mais qui accroche les personnages et le spectateur. Surtout, tout sonne vrai. C’est ce qui fascine le plus dans Kingdom, cette proximité qui se crée avec les protagonistes, une réalisation et des dialogues à fleur de peau. Alvey et les autres sont humains, font des bons et mauvais choix, pendant que nous questionnons en permanence leurs actions tout en nous identifiant fortement. La réalisation arrive à capter tout cela avec brio, en restant au plus près des corps, en filmant un Alvey, ancien champion meurtri ou Ryan, ex-prodige rongé par la culpabilité et le doute. La caméra ne joue pas uniquement du tremblement, comme il est coutume dans ce genre de production. Elle sait aussi s’installer, regarder en face ces êtres fragiles, les observer douter, ne pas détourner les yeux de la douleur. Il y a quelque chose de profondément noble dans la mise en scène de Kingdom, il est là le côté royal de la série, dans cette photographie orangée, ces halos lumières qui envahissent l’écran.
Les acteurs sont tous formidables, sublimant l’écriture et s’insérant parfaitement dans un univers très codifié. On connaissait le talent et le charisme de Frank Grillo ou Matt Lauria, mais la surprise vient évidemment de Nick Jonas. Plus habitué aux productions Disney avec ses frères (les fameux Jonas Brothers), il incarne ici le jeune Nate avec beaucoup de finesse. Silencieux, introverti, il arrive à faire passer beaucoup avec le regard et le corps. Il parvient à rendre Nate émouvant. Ou encore le bluffant Jonathan Tucker (Black Donnellys), le mec retranscrit avec une justesse TOUT ce qui lui passe par la tête(et sans que ca devienne lourd…c’est un équilibre délicat), une performance de corps et d'esprit. La direction d’acteur est donc au top,renforçant l’impression de proximité.
Kingdom surprend par sa qualité dans le pilot et au fil des dix épisodes de cette première saison, devient un véritable petit bijou. Elle bouleverse, touche en plein coeur, non pas uniquement parce que ces personnages sont misérables, mais parce qu’ils sonnent juste, que les éclats de rages sont puissants et que les espoirs sont grands. Elle a déjà été renouvelée pour deux saisons supplémentaires de 10 épisodes chacune. Je serai évidemment au rendez-vous.