Débarqué tout droit de cinq saisons sur Damages, le trio Kessler, Kessler et Zelman était parvenu à convaincre sur Netflix, l’année dernière, grâce à la première saison d’un tout nouveau drama familial, Bloodline. En voici une digne suite, repêchant la famille Rayburn là où les turpitudes dramatiques les avaient laissés. Du drame, pur, tranchant, oppressant, dans un décor de carte postale, les Keys de Floride. A n’en pas douter, le mélange est savant, admirable même, tant l’univers dans lequel évolue les personnages est en total contraste avec la noirceur du propos. L’implantation, donc, du scénario dans ces fameuses Keys, chapelet d’îlots à la lisière des Antilles, portes du paradis pour bon nombre de vacanciers selects, permet d’opérer une nuance entre l’environnement et ses habitants. Le trio de créateurs se joue parfaitement des perceptions, l’exotisme face au suspens, la mer face au sang, et livre une seconde saison toute aussi bonne que la précédente, voire meilleure en dépit de quelques poncifs maladroits.
On reprend donc là où on nous avait laissé, les bras ballants, une année plus tôt. Le final de la saison précédente était parfait, dans son genre, et nous ne pouvions que retrouver des personnages meurtris, hanté par le remords et la tentation de tout déballer ou de fuir à toutes jambes. Mais les erreurs du passé sont indélébiles et il s’agira ici au clan Rayburn de préserver les sinistres secrets avec lesquels ils doivent vivre. On cache un peu de vérité par-ci, un peu de vérité par-là. On raconte un peu à celui-là mais non é à celui-ci et voilà que dans l’enchaînement émergent les gaffes, les trouble-fêtes. C’est tendu, vif et lourd, appréciable tant le suspense est maintenu du premier au dixième épisode. On regrettera, comme dit plus haut, pourtant, quelques schémas assez rébarbatifs, comme la naïveté de la mère du clan, Sissy Spacek, les bêtises du petit frère, l’obstination un peu forcée d’un certain inspecteur ou encore la détermination d’un nouveau venu pour le moins volatile. Mais cela n’entache qu’à peine, dirons-nous, le bon visionnage de cette honorable saison.
Coté casting, Kyle Chandler est tout simplement brillant. On sent son personnage souffrir comme rarement à la télévision, et les bêtises ou traits d’esprit de son entourage ne feront rien pour tout arranger. Soulignons que cette seconde saison marque l’arrivée de quelques nouvelles trombines, tous plus ou moins convaincants, d’Andrea Riseborough, un peu poussive, de John Leguizamo, habile quoiqu’envahissant, ou encore d’un curieux Beau Bridges, qui aura sans doute encore bien à dire dans la troisième saison, récemment confirmée. On notera aussi la présence, du moins une forme de retour, de Ben Mendelsohn, remarquable dans la peau de Danny Rayburn par le passé et qui ici, malheureusement, fait un peu du remplissage.
On ne regrette pourtant rien, passant sur les quelques défauts tenaces du show, et nous immergeons bien volontiers dans cette sale histoire, parfaitement calibrée pour le format télévisuelle et encore d’avantage pour le Binge Watching. Netflix ne déçoit donc pas avec cette seconde saison de Bloodline, une saison qui tient toutes ses promesses et qui nous annonce une troisième cuvée plus tendue encore. Etonnant, cela-dit, le temps qu’il aura fallu au géant de la VOD pour confirmer cette suite. Mais qu’importe, ne boudons pas notre plaisir. 16/20