Il y a quelque chose d'assez récurrent avec les productions à but lucratif mettant en scène les superhéros DC et Marvel, c'est une certaine convenance calibrée dans le but de séduire le plus grand nombre et de ne pas fermer les salles aux plus jeunes. Il faut que ça se regarde en famille, du papa nostalgique et émoustillé de voir ses personnages d'enfance se débattrent sur un écran à ses enfants, débordant d'excitations et ne se doutant pas une seule seconde de la satisfaction de leur géniteur, persuadé de passer le flambeau à la jeune génération. Que nenni ! Les studios n'ont plus besoin de toi adulte régressif dans la trentaine. Marvel et D.C. ont creusé leur sillon, l'un avec plus d'efficacité que l'autre et, même si les véritables productions dotées d'une âme ne sont pas légions, on peut dire que dans le lot se dégagent certaines réussites filmiques.
Pour autant, Marvel's Daredevil arrivait sous pavillon Netflix quand Arrow et Flash étaient déjà lancées chez D.C et S.H.I.E.L.D chez son concurrent. Si les deux premières n'ont pas su tenir la distance et la troisième, sous la houlette de Josh Whedon, restait très bon enfant, il faut avouer qu'avec ses 3 saisons, le diable de Hell's Kitchen n'en a pas trop fait. Peut être même, pas assez, mais toujours avec une ambiance bien plus marquée.
Couchez les enfants
Ce qui change immédiatement dans Daredevil, c'est le ton de la série, Sombre et violente à souhait, on est clairement devant un programme où la noirceur s'accapare toute la lumière. Ca brise, ça frappe, ça encaisse, ça taillade, ça tire et Matthew Murdock, loin d'être un surhomme, se découvre en tant que justicier, tout en prenant de sacrées raclées.
Face à lui, mon p'tit baleine/Vincent D'Onofrio en gangster tout aussi hystérique que calculateur, prêt à mettre à ses pieds un quartier déjà gangrené par la délinquance et la corruption. Et sans demies-mesures, entre ses deux hommes, toute la bassesse, la cupidité, l'avidité et le dédain pour la vie humaine s'expriment dans ces rues où la nuit règne en maître.
Face à face
Charlie Cox, délicieux Owen Slater dans Boardwalk Empire n'a besoin que de très peu de temps pour nous faire oublier son prédécesseur. Oublié Ben Affleck. Balayé même, alors que dans cette première saison, notre héros n'est pas encore tel que nous le connaissons. Cox s'empare du rôle à merveille et réussit à lester le fantastique des sens surdéveloppés de son personnage d'une humanité qui l'encre dans le réel pour le rendre encore plus charismatique. Car comme tout bon héros, la lutte se joue aussi à l'intérieur et ça Drew Goddard l'a très bien compris. L'histoire prend le temps de développer les états d'âmes de son personnage et sa dualité entre l'avocat et le justicier, l'opposant dans la saison 1 et la saison 3 à son nemesis Wilson Fisk, D'Onofrio habité, qui le poussera dans les derniers retranchements de ses convictions.
Le choix du Caïd dans sa version Franck Miller en tant qu'ennemi du diable est d'ailleurs à saluer.
Ainsi, ce cru Netflix souffle sur les braises d'une licence et anime une flamme qu'on ne s'attendait sérieusement pas à voir reprendre. Mais, (ben oui, il y a un mais sans quoi la série aurait pu gagner une petite étoile supplémentaire) le léger bémol vient de la saison 2.
En allant chercher vers quelque chose de plus fantastique pour mettre sur les rails la saison de Marvel's Defender, la série perd en intérêt et l'introduction de certains personnages vient un peu compromettre l'ensemble. On reste malgré tout dans la qualité et l'avantage de cette parenthèse au goût de malédiction, c'est qu'elle nous permettra de voir arriver une troisième saison d'autant plus savoureuse qu'elle renoue vraiment avec l'esprit et l'opposition de la première. Surprenante dans ses premiers épisodes elle s'avérera diablement bien écrite lorsque la conclusion de cette lutte pour Hell's Kitchen se jouera.
Donc, si les superhéros vous sortent par les yeux et si le MCU n'a dans son ensemble pas su vous séduire pleinement, Marvel's Daredevil vous fera le plus grand bien.